Une autre exception française : les docteurs peinent à trouver un job

Les entreprises françaises sont toujours réticentes à embaucher les titulaires d’un doctorat. Pourtant, elles ont tout à y gagner, explique Amélia Lakrafi, fondatrice de l’Institut Doctorium.

Les entreprises françaises sont toujours réticentes à embaucher les titulaires d’un doctorat. Pourtant, elles ont tout à y gagner, explique Amélia Lakrafi, fondatrice de l’Institut Doctorium.

C’est un paradoxe très français : le taux de chômage parmi les docteurs est aussi élevé que celui des individus sans qualification, s’insurge Amélia Lakrafi, fondatrice de l’Institut Doctorium, un institut qui a vocation à mieux faire connaître les qualités opérationnelles des Bac+8 auprès des entreprises. Pour elle, c’est une mission essentielle pour enrayer la fuite des cerveaux : incapables de trouver du travail en France, les docteurs s’en vont à l’étranger, où leurs compétences sont très recherchées car ils sont très bien formés. C’est une perte sèche pour la France, qui dépense jusqu’à 400 000 € pour former un seul docteur.

Historiquement, la France préfère les ingénieurs formés dans ses prestigieuses grandes écoles, au détriment des docteurs. Selon Amélia Lakrafi, c’est une erreur, car les docteurs peuvent aussi être des ingénieurs qui ont fait une thèse. Ailleurs, les docteurs sont mieux reconnus : « En Inde, par exemple, un docteur dans une entreprise informatique ne voudra pas s’adresser à un ingénieur, mais à un homologue, avec le même niveau de qualification : les docteurs peuvent donc aussi faciliter les affaires. »

Ce mauvais taux d’emploi des docteurs en France entraîne une pression à la baisse sur les salaires : les Bac+8 sont payés au même niveau que des Bac+5, ce que les grandes entreprises ont parfaitement compris. « Grâce au Crédit d’impôt recherche, qui subventionne l’embauche des docteurs à hauteur de 120 % sur 24 mois, les grandes entreprises peuvent s’offrir un docteur pour rien pendant deux ans. Mais les PME n’ont pas le temps d’aller chercher ce genre d’information. »


Promouvoir les qualités des docteurs

Quel intérêt une entreprise aurait-elle à embaucher un docteur ? « Les entreprises qui veulent innover doivent faire un important travail de veille. Or elles ne sont pas organisées pour ça, tandis qu’un chercheur, lui, fait de la veille naturellement, il sait chercher l’information dans les revues scientifiques du monde entier, ça fait partie de son job. » Le docteur a d’autres qualités, ajoute-t-elle : il parle couramment anglais, « il est aussi le roi du système D » et sait trouver des fonds, vu le peu de moyens reçus pendant son cursus.

L’Institut Doctorium vise donc à promouvoir les qualités des docteurs auprès du secteur privé et à accompagner les entreprises dans le financement de leur recherche et développement. « On ne le sait pas assez, mais la France possède le meilleur dispositif d’aide à la recherche, c’est même un paradis fiscal ! »

Et c’est aussi un vrai business : chaque année, les entreprises dépensent 600 millions d’euros dans des cabinets censés les aider à monter des dossiers de subventions, avec plus ou moins de sérieux. « À l’Institut Doctorium, nous formons les docteurs à réaliser ces dossiers et à aider les entreprises à y voir plus clair dans le maquis des aides : il en existe 6000 au niveau national, et 800 rien qu’en Île-de-France. » L’institut répond ainsi à une forte demande des docteurs : en se formant sur les financements publics, ils accroissent leur employabilité.

Institut Doctorium

Texte Pascal de Rauglaudre

 

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