Principe du pollueur-payeur : le nouveau combat de Flore Berlingen

Flore Berlingen, Cofondatrice de l'Observatoire du principe pollueur-payeur et coordinatrice du plaidoyer En Mode Climat, nous invite à réfléchir et à agir pour un plafonnement de l’utilisation des ressources et une hiérarchisation de leurs usages.

 

Entrepreneurs d’avenir : Vous êtes depuis plusieurs années aux avant-postes du militantisme écologique. Vous avez notamment dirigé Zero Waste. Vous coordonnez depuis 2023 le plaidoyer de l’association En Mode Climat, qui lutte contre la fast fashion et la surproduction dans le secteur textile. Et vous avez lancé récemment l’Observatoire du principe pollueur-payeur. Quel bilan faites-vous de ces années d’engagement ? Pour quels résultats ?

Flore Berlingen : Le fil rouge de toutes ces années de plaidoyer, c’est le problème de la surexploitation des ressources de notre planète et de ses conséquences, tant environnementales que sociales. J’en tire la conviction très forte que l’on ne peut pas répondre à ce problème par un seul type d’outil, de levier, mais qu’il faut les combiner au travers d’un exercice de planification écologique, en plaçant le débat démocratique au centre de ce processus. Dit comme ça, cela peut paraître consensuel, mais pour l’instant c’est une toute autre logique qui domine, celle de traiter les enjeux écologiques principalement par le marché et les instruments économiques.

Promu par l’OCDE depuis 1972, le principe pollueur-payeur, n’atteint pas du tout son but mais permettrait, selon vous, aux industriels de polluer en toute impunité – moyennant finance ! Vous avez lancé un Observatoire du principe pollueur-payeur. Quelle est sa mission, ses actions, ses financements ?

Le principe pollueur-payeur est devenu un pilier central du droit français et européen et, surtout, des politiques publiques environnementales au travers de mécanismes tels que la compensation, les différentes formes de fiscalité, les marchés d’émissions ou encore les filières de responsabilité élargie du producteur.

Cette place prépondérante implique que l’on examine minutieusement son application : les pollueurs paient-ils vraiment ? et suffisamment ? Cela leur donne-t-il un plus grand pouvoir de décision ou d’influence ? Et quelles sont les implications sociales et démocratiques des mécanismes inspirés du principe pollueur-payeur ? La notion de justice environnementale est-elle prise en compte ? C’est la vocation de cet Observatoire de se pencher sur ces questions, un vaste programme ! L’association est toute jeune et nous accueillons volontiers les personnes qui voudraient contribuer à ces travaux, ou nous soutenir financièrement.

Dans l’un de vos livres, « Recyclage, le grand enfumage », vous accusiez le « Recyclage », de ne pas remettre en question le jetable et les intérêts économiques qui lui sont liés. L’économie circulaire vous semble-t-elle une voie sérieuse et crédible pour ralentir les impacts des processus de production ?

Dans ce livre j’ai voulu mettre en lumière la manière dont le recyclage était instrumentalisé pour faire perdurer des activités et des modèles économiques fondés sur le jetable dans divers secteurs : grande distribution bien sûr, mais aussi restauration rapide, fast fashion, etc. Ce type de consommation ne peut devenir soutenable grâce à l’économie circulaire, malgré ce que certains discours promotionnels continuent à laisser espérer.

En outre, il faut bien garder à l’esprit que le “ralentissement” des impacts et des consommations que permet éventuellement l’économie circulaire est souvent complètement annulé par la dynamique de croissance qui perdure par ailleurs !

Tout cela étant dit, il faut évidemment inclure et développer toutes les activités de réemploi ou de recyclage, dans le cadre d’une économie redimensionnée sur le plan matériel.

Quelles sont les solutions, les voies de progrès pour envisager une résilience des dégats de notre société de consommation et des modes de production qui y sont associés ?

Il faut à mon sens travailler (c’est-à-dire débattre collectivement) sur le plafonnement d’une part, et sur la priorisation d’autre part. Par plafonnement, j’entends la régulation de l’extraction ou de la production des matières premières vierges notamment : pour le plastique, c’est une question à l’ordre du jour des négociations internationales actuellement. Et en parallèle de ces limites, il est indispensable de hiérarchiser les besoins et les usages. Aujourd’hui nous appliquons les mêmes règles, les mêmes lois quelque soit l’objet d’une production : répondre à un besoin vital, apporter de l’agrément ou même de la redondance… Les mécanismes pollueur-payeur, par exemple les obligations de compensation, s’appliquent de la même manière quelle que soit la destination de la production ou du projet, qu’il serve l’intérêt général (construire un hôpital) ou des intérêts très particuliers (construire un complexe hôtelier de luxe).

Comment voyez vous votre engagement dans les années à venir ? La politique ne vous intéresse pas ?

Ces sujets me passionnent et ma (saine) colère ne faiblit pas face aux manquements ou aux contradictions de l’action publique. Je me vois donc continuer à contribuer à la faire progresser, que ce soit de l’extérieur par des critiques et des propositions, ou de l’intérieur si l’occasion se présente.

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