Pour de nouveaux indicateurs de richesse
L’économiste français Jean Gadrey, membre de la commission Stiglitz (http://www.stiglitz-sen-fitoussi.fr/fr/index.htm) et co-fondateur du réseau FAIR, (Forum pour d’autres indicateurs de richesse, http://www.idies.org/index.php?category/FAIR) explique l’enjeu de la mise en place de nouveaux indicateurs de richesse.
De nouvelles boussoles pour orienter les politiques publiques
L’économiste français Jean Gadrey, membre de la commission Stiglitz et co-fondateur du réseau FAIR (Forum pour d’autres indicateurs de richesse), explique l’enjeu de la mise en place de nouveaux indicateurs de richesse.
Pourquoi de nouveaux indicateurs pour mesurer le bien-être des sociétés ?
Aujourd’hui, de plus en plus d’experts et d’hommes politiques reconnaissent qu’il y a un écart grandissant entre, d’un côté, les chiffres du PIB et de la croissance économique, et de l’autre les réalités des progrès humains et environnementaux dans nos sociétés. Or, comment orienter justement les politiques publiques si les boussoles ne fonctionnent plus ? Prendre en compte dans les calculs des problèmes jusque là ignorés, c’est une façon de les intégrer au débat public.
Cette démarche issue d’un mouvement citoyen et militant est relayée par les institutions internationales depuis 1990, date de la création par l’ONU de l’IDH (Indice de Développement Humain).
Vous avez participé aux travaux de la commission Stiglitz sur la mesure de la performance économique et du progrès social. Quelles en ont été les conclusions?
Les résultats n’ont pas apporté grand chose de nouveau en soi. En revanche, le fait que la question soit débattue par des économistes prestigieux a amené le sujet sur le devant de la scène.
Je retiens trois points principaux. Tout d’abord, la reconnaissance que le PIB n’est pas pertinent quand il s’agit de mesurer le bien-être des sociétés. Ensuite, le fait que des indicateurs « objectifs » de qualité de vie concernant par exemple la santé, l’éducation, ou l’insécurité économique et sociale doivent être intégrés aux calculs. Enfin, l’accent mis sur l’importance de la « soutenabilité environnementale », qui prend en compte les dégradations parfois irréversibles de l’environnement.
Malgré tout, vous avez été très critique envers la commission Stiglitz, et avez participé à la création du réseau FAIR.
Dans quel but ?
Le groupe FAIR a en effet été une réaction à la commission Stiglitz, qui ne regroupait pratiquement que des économistes. Or pour mesurer le bien-être collectif, il faut le définir. Cette définition doit appartenir à l’ensemble de la société, pas à une « expertocratie ». Car au-delà des chiffres, il s’agit de savoir ce que nous voulons mesurer, et pourquoi.
Le Forum, lieu ouvert de débats et de partage des expériences, met en réseau une grande variété d’acteurs : sociologues, économistes, syndicalistes, associations, comptables d’entreprises ou encore acteurs des régions.
Concrètement, quels sont les impacts, les expériences aujourd’hui?
Ils sont multiples et réels. L’INSEE, selon les recommandations de la commission Stiglitz, a par exemple intégré dans ses données des indicateurs relatifs à la santé ou à une meilleure appréciation de la richesse des ménages. De son côté, la région Nord-Pas-de-Calais a travaillé, bien avant le rapport Stiglitz, sur une version de l’IDH adaptée au contexte local. Enfin, le WWF propose un calcul de l’empreinte écologique : une façon pour les entreprises ou les individus d’évaluer, et donc d’infléchir, la pression qu’ils exercent sur la nature. Et il ne s’agit que de quelques exemples entre des dizaines.