Pascal Canfin décrypte la COP21
Dans un livre très didactique, l’ancien ministre délégué au développement, qui a participé à sa préparation et connaît bien les négociations climatiques, met en perspective la conférence de Paris, en souligne les principaux enjeux et explique pourquoi « cette bataille peut être gagnée ».
On commence à entendre beaucoup parler de la COP21, et cela va aller crescendo jusqu’à la ce que Paris accueille, du 30 novembre au 11 décembre prochain, la grande conférence internationale sur le climat. Mais il n’est pas simple d’en saisir tous les enjeux.
Dans son ouvrage 30 questions pour comprendre la conférence de Paris, l’ancien député européen écologiste et ministre français du développement Pascal Canfin, aujourd’hui conseiller principal pour le climat du think tank WRI (World Resources Institute) fait œuvre de pédagogie en balayant un grand nombre de sujets.
Revenant sur les origines des négociations internationales sur le climat instaurées par l’ONU, il qualifie le protocole de Kyoto (par lequel certains pays développés qui ne représentent plus aujourd’hui que 15% des émissions mondiales se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz-à-effet de serre (GES) de 5% entre 2008 et 2012) de « bon milieu récupérateur dont l’absence serait catastrophique mais qu’on ne verra jamais marquer trois buts dans le même match. »
Fiscalité environnementale : la France peut mieux faire
Le chapitre « diplomatie » résume la position des principaux protagonistes, à commencer par la France. Avec 9 tonnes d’émissions de GES par personne et par an, le pays hôte reste encore loin de l’objectif d’1,8 tonne en 2050, correspondant à la trajectoire des 2°C, la hausse des températures à ne pas dépasser selon les scientifiques. Et si, en termes d’intensité carbone du PIB, la France se place en 2ème position derrière la Suède, cela masque une hausse de 14% des émissions liées aux importations. Quant à la fiscalité environnementale et au développement des énergies renouvelables, la France est l’un des pays européens les plus en retard.
Sur l’Allemagne en revanche, Pascal Canfin est plus indulgent : si l’utilisation du charbon est en hausse c’est en raison de sa substitution au gaz et non à l’arrêt du nucléaire, et la stratégie énergétique, qui prévoit 80% d’énergies renouvelables en 2050 et une production totalement décentralisée, est « l’une des plus révolutionnaires au monde ».
Quant à l’Europe, en butte à des divisions internes sur les sujets climat, Pascal Canfin met en garde contre un effritement de son leadership, que ce soit en termes d’objectifs du paquet énergie climat décidés en octobre 2014 ou de technologies. Avec 54% de l’aide internationale au développement, elle peut néanmoins jouer la carte des partenariats avec les pays les plus pauvres.
La Chine, devenue le premier émetteur de GES au monde, pourrait d’ici à 2030 rattraper les Etats-Unis en termes d’émissions cumulées ! Mais face à son problème crucial de pollution aux particules fines, elle durcit la réglementation sur le charbon et on assiste déjà à une baisse de la production et des importations. Elle est aussi passée d’un objectif de diminution de l’intensité carbone de son PIB à celui d’un pic d’émissions en 2030 au plus tard. En revanche, si l’élargissement à l’échelon national des 7 marchés carbone en test depuis 2013, prévu pour 2016, est très positif, la Chine reste hostile à tout mécanisme transparent de vérification des engagements.
Collectivités et entreprises plus impliquées
Optimiste sur le fait que cette conférence puisse déboucher sur un succès, l’ancien ministre liste les éléments positifs qui différencient la COP de Paris de celle de Copenhague : des négociations étalées sur quatre ans au lieu de deux, des engagements des pays connus à l’avance, des négociateurs plus pragmatiques ; la présence de la France, qui en assure la présidence, dans de nombreuses instances d’où le Danemark était absent et où elle peut peser, telles que le G7, le FMI ou le G20 ; enfin, une plus grande implication des acteurs non étatiques (notamment collectivités territoriales et entreprises).
Ces dernières échangent leurs bonnes pratiques au sein de différents réseaux (Global Compact, WBCSD) et se regroupent autour d’engagements sur leur approvisionnement en énergies renouvelables, leurs efforts pour éliminer la déforestation, leur instauration en interne d’un prix du carbone… Certaines forment des coalitions pour demander aux Etats d’instaurer ce prix… L’auteur souligne aussi le rôle de l’économie sociale et solidaire pour lier transition écologique et nouveau modèle d’entrepreneuriat.
Confiant dans l’apport de certaines technologies (voiture décarbonée, stockage d’énergie, efficacité énergétique), il insiste néanmoins sur la nécessité d’un effort de recherche sans précédent.
L’ancien ministre consacre également plusieurs questions à l’enjeu du financement, qui impose de mobiliser les finances publique et privée. Il s’agit d’une part d’identifier les 100 Mds$ promis à Copenhague par les pays riches en faveur des pays pauvres d’ici à 2020 puis chaque année ensuite pour accompagner leur transition écologique, mais aussi de ré-orienter quelque 1000 Mds$ de fonds privés par an vers une économie bas carbone.
Pour Pascal Canfin, pour être qualifié de « succès », Paris devra être un accord réellement universel. Et si les chiffres d’engagements de réduction des émissions des Etats peuvent ne pas être contraignants (ce que refuseraient probablement le Congrès américain ou la Chine), ils devront en revanche être adossés à des règles simples de transparence des moyens et des résultats qui, elles, pourront l’être.
30 questions pour comprendre la conférence de Paris
Dominique Pialot et Pascal de Rauglaudre