« Nouvelle cordée » : vers la fin du chômage longue durée ?
Comment une poignée de chômeurs longue durée retrouvent confiance en eux grâce à un nouveau dispositif d’aide à l’emploi. Dans « Nouvelle cordée », son nouveau documentaire, Marie-Monique Robin raconte leur renaissance avec pudeur et émotion. Sortie le 20 novembre.
Le chômage de longue durée est-il une fatalité ? En France, ce fléau frappait 3,8 % des actifs en 2018 (d’après l’INSEE). Et malgré d’innombrables essais, pas franchement couronnés de succès, les pouvoirs publics n’ont pas renoncé à l’éradiquer.
Dernière tentative en date : le dispositif Territoire zéro chômeur de longue durée (TZCLD). Une loi votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale en 2016 a prévu son expérimentation pour une durée de cinq ans, dans dix communes de France.
La ville de Mauléon, aux confins des Deux-Sèvres, s’est portée volontaire pour le tester sur son territoire. Et elle a bien l’intention de prouver qu’il fonctionne.
Pendant trois ans, à raison de quatre jours tous les trois mois, la réalisatrice Marie-Monique Robin, auteure d’une enquête fouillée sur Monsanto, a filmé toutes les étapes de cette aventure entrepreneuriale d’un nouveau genre, se nourrissant des témoignages des hommes et des femmes qui y ont participé. Elle en a tiré un nouveau documentaire, « Nouvelle cordée ».
Entreprise à but d’emploi
Comment fonctionne le TZCLD ? C’est assez simple : une Entreprise à but d’emploi (EBE) reçoit de l’État le montant des indemnités que toucherait un chômeur, environ 18 000 euros par an. Avec cette somme, l’EBE finance son embauche en CDI au SMIC, soit 22 000 euros par an. À charge pour elle de payer les 4000 euros restants avec le chiffre d’affaires qu’elle va ensuite réaliser.
À Mauléon, l’EBE, fondée par Thierry Pain, un ancien DRH, s’appelle l’ESIAM (pour Entreprise solidaire d’initiative et d’action du Grand Mauléon). Elle est hébergée dans des locaux que la ville a mis à sa disposition, et qu’elle commencera par restaurer.
Le film suit la sortie du chômage des huit premiers salariés de Mauléon et leur embauche par l’ESIAM. Certains se trouvaient hors du marché de l’emploi depuis plusieurs années, suite à des accidents de la vie. Au moment de leur entretien d’embauche, ils portent sur eux les stigmates du doute et de la perte d’estime de soi. Et pourtant, face à la caméra, leur détermination à se saisir de cette opportunité ne fait aucun doute.
Peu à peu ils se transforment, comme s’ils renaissaient. Ils reprennent confiance en eux, ils gagnent en estime et en expérience, et cette transformation se voit jusque dans leur aspect physique : mieux coiffés, mieux vêtus, souriants et épanouis.
En quête de besoins non satisfaits
Quant à l’ESIAM, elle part en quête d’activités, des « besoins non satisfaits », à leur confier. Le développement durable est un gisement : tri et valorisation de portes et fenêtres issues de la rénovation, collecte de matériaux en entreprises… D’autres activités concernent un périmètre non concurrentiel : espaces verts, tourisme rural…
D’autres enfin s’approchent d’activités relevant du secteur public : réouverture d’une boulangerie, services de conciergerie… L’idée étant non pas de concurrencer des entreprises du territoire, mais de venir en soutien à de petits chantiers.
Deux ans plus tard, le succès semble au rendez-vous : l’ESIAM a embauché 67 chômeurs de longue durée, et elle a atteint un quasi-équilibre financier. Même Pôle Emploi note une nette diminution du chômage dans la commune.
L’expérimentation, si elle s’avère concluante dans les villes tests, doit être consacrée par une nouvelle loi, qui tarde à être mise à l’ordre du jour parlementaire. « Qu’est-ce qu’on attend ? » [pour généraliser le dispositif], s’interroge Marie-Monique Robin en conclusion, allusion à l’un de ses précédents documentaires.
Nouvelle cordée, un film documentaire de Marie-Monique Robin, sortie en salle le 20 novembre 2019.
Pascal de Rauglaudre