Nexans : Réinventer l’électrification durable pour un avenir décarboné

Entrepreneurs d’avenir : Vous dirigez depuis 2018 le groupe Nexans, pionnier et expert de l’électrification durable. Comment êtes-vous parvenu à vous positionner comme un acteur clé de ce secteur, quels sont vos principaux métiers et quelles sont vos ambitions pour le groupe ?

Christopher Guérin : Depuis 2018, Nexans s’est positionné comme un acteur clé de l’électrification durable, moteur du progrès, grâce à son expertise et son historique en la matière. Nexans a joué un rôle central dans l’électrification de la planète pendant plus de 120 ans. L’ambition est de mener aujourd’hui la transition du monde vers un avenir électrique décarboné.

Les principaux métiers de Nexans couvrent l’ensemble de la chaîne de valeur de l’électrification : la transmission, la distribution et l’utilisation de l’énergie, que nous appelons «power transmission / power grid / power connect ».

Mon objectif est clair : simplifier pour amplifier.

Concrètement, nous simplifions notre modèle opératif pour amplifier notre impact sur la transition énergétique, notre performance économique et l’engagement de nos équipes.

Notre ambition est de fournir des solutions pour un monde décarboné. Comme je le dis souvent, sans câbles, il n’y a pas de transition énergétique. Nous sommes au cœur de la troisième révolution électrique : celle qui passera par l’exploitation des actifs existants. Nous devons renforcer notre position de leader mondial de la transition énergétique en connectant les zones de production d’énergie aux zones de consommation, en développant des solutions technologiques innovantes et durables pour le marché des câbles et systèmes. Et investir massivement sur l’économie circulaire. Ainsi nous démontrerons que notre modèle permet d’associer performance financière et sobriété.

Dans le petit monde des dirigeants de grands groupes industriels, vous avez une démarche managériale atypique. Vous avez notamment élaboré et vous vous appuyez sur un modèle baptisé « E3 » qui repose sur trois critères : économie, environnement et engagement. Vous comptez ainsi placer la question climatique au cœur de votre stratégie et faire de la sobriété un moteur de votre rentabilité. Pourriez nous présenter ce modèle ? Quels sont vos résultats, et pensez-vous que ce modèle puisse se généraliser à d’autres groupes ?

L’E³, c’est la fin des silos ! Le modèle E³ de Nexans, repose sur trois piliers désilotés, pour former un écosystème unique : Économie, Environnement et Engagement. Ce modèle a pour objectif de concilier performance économique, responsabilité environnementale et engagement social. Il est conçu pour assurer une performance et une rentabilité très significative, dans la sobriété.

Le modèle E³ ne cherche pas à opposer les objectifs des trois dimensions, mais à les combiner. Il permet d’évaluer tous les projets d’investissement, qui doivent être compatibles avec ce modèle pour être retenus. Ce modèle permet à Nexans de repenser ses méthodes de réalisation de profits, en faisant de la sobriété un accélérateur de performance. La performance est mesurée à partir de trois indicateurs clés nommés ROCE au cube : retour sur capitaux employés, retour sur carbone employé, retour sur compétences engagées. Ceci est, à ma connaissance, unique au monde.

Et les résultats du modèle E³ parlent d’eux-mêmes. Nexans a réussi sur les trois dimensions : nous avons quadrupler notre capitalisation boursière et doubler notre rentabilité en quatre ans, nous avons réduit notre empreinte carbone de 28%. Et naturellement, ces résultats ont été obtenus sans aucun conflit social, ni réduction des effectifs.

Nous pensons que ce modèle peut être généralisé à d’autres groupes, car il représente une façon de penser universelle, il remet en question les anciens codes de la croissance et place la création de valeur au centre. Il permet de repenser les modèles économiques des entreprises en intégrant les enjeux environnementaux et sociaux. Le modèle E3 est un nouveau modèle de management qui permet de faire face aux défis du 21e siècle et de s’adapter à un monde en “permacrise”.

Nexans s’est également engagé en faveur de l’économie circulaire à travers un service de recyclage innovant dédié aux câbles électriques, CABLELOOP. Ce service a remporté plusieurs prix en 2024 pour son approche de préservation des ressources naturelles. Comment ce service fonctionne-t-il ?

Cableloop, c’est notre réponse à la pénurie de matières premières ! C’est un service clé en main qui collecte les chutes de câbles et les transforme en ressources recyclées.
Nous rachetons les câbles usagés, que ce soit sur les chantiers ou chez nos distributeurs spécialisés. Cableloop, ce n’est pas juste du recyclage, c’est l’avenir de notre industrie.

Nous visons 30% de câbles recyclés d’ici 2030. Et puis il faut comprendre que les déchets d’aujourd’hui, sont les marchés de demain. Cableloop c’est de la durabilité, de la performance et de l’engagement, E³ dans sa plus pure expression.

Notre objectif est ici de collecter plus de 800 tonnes de chutes de câbles dès 2025, et de développer la collecte et la valorisation des déchets. Une plateforme web permet un suivi en temps réel des opérations. L’investissement de 90 millions d’euros à Lens permettra de recycler jusqu’à 80 000 tonnes de cuivre par an.

J’ajoute que ce service a été primé pour son approche de la préservation des ressources naturelles.

Vous interviendrez le 14 mars à l’Université de la terre, à l’Unesco, sur le rôle des entreprises et des dirigeants pour engager les transitions écologiques qui s’imposent à nous. Vous avez rencontré Pierre Rabhi, il y a quelques années à l’Université de la terre et il vous a ensuite beaucoup inspiré et guidé. Comment arrivez-vous à concilier vos convictions, vos valeurs et vos impératifs économiques et financiers ?

La rencontre avec Pierre Rabhi a été un tournant. Il m’a appris à redécouvrir la Terre en conscience. Aujourd’hui, je suis convaincu qu’on ne peut plus opposer convictions sociales, environnementales et impératifs économiques. Il faut une approche différente, beaucoup plus systémique, comme nous l’avons créée avec l’E³.

C’est cette « école de pensée » qui me permet aujourd’hui de concilier mes valeurs et mes convictions avec des impératifs économiques et financiers.

Je peux dire que grâce à l’E³, je me sens en pleine cohérence. Et ce ne sont pas que des mots. Chez Nexans, l’électrification est notre ADN, mais elle doit être vertueuse. Mon rôle, c’est d’offrir une électrification durable. On ne peut plus prélever à la planète plus qu’elle peut regénérer chaque année.

Nous devons donc construire une croissance par la valeur, pas par le volume. Il faut repenser le système dans sa globalité. Nous devons faire notre révolution systémique et bâtir une nouvelle architecture de performance. Pour moi, le rôle d’un dirigeant, c’est de bâtir une ambition et construire une vision, et non se perdre dans des indicateurs.

Mon rôle de dirigeant n’est pas de maximiser les profits à court terme, mais de construire une vision à long terme.

Nous avons choisi de “nous recentrer” sur ce qui compte, sur notre mission d’électrification et d’abandonner les activités qui ne sont plus au cœur de notre ambition.

Les entreprises ont un rôle majeur à jouer dans la transition écologique, et les dirigeants doivent être les moteurs de ce changement. Il faut que nous repensions le pilotage d’entreprise dans un monde en permacrise, et que nous retrouvions le goût « d’aller dans le bon sens ».

Faisons donc converger l’économique, l’environnement et l’engagement, pour le bien commun. L’E3 est plus qu’un modèle, c’est une philosophie, c’est un état d’esprit. Il est temps de bâtir un nouveau modèle de management. Comme le disait Mark Twain : “Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait” et c’est ce que nous faisons chez Nexans, avec audace et conviction.

Retrouvez  Christopher Guérin à l’Université de la terre les 14 & 15 mars 2025
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