Marketing et développement durable : transformation ou récupération ?
Pourquoi consomme t’on ? Sommes nous toujours tirés vers le progrès sans pour autant nous interroger sur son impact à moyen et long terme ? C’est un fait : bon nombre de consommateurs aspirent à revenir à une consommation plus « responsable », voire raisonnable. Certaines entreprises ont perçu cette tendance et commencent à revisiter leurs produits en leur conférant une « empreinte écologique positive ». Les entrepreneurs les plus avancés prônent même une consommation raisonnable recommandant l’usage d’un produit au détriment de sa possession.
Alors que la RSE -Responsabilité Soci(ét)ale de l’Entreprise- s’impose de plus en plus comme une démarche stratégique au sein des groupes, les fonctions marketing et communication n’échappent pas à la règle. Vendre un produit ne suffit plus, il faut désormais démontrer sa contribution aux modes de vie durable, éduquer le consommateur sur son usage responsable autant que sur la gestion de sa fin de vie. Il faut informer l’utilisateur sur les limites éventuelles voire les risques potentiels de ce produit.
A l’heure de la communication responsable, l’entreprise est donc amenée à prendre de la hauteur dans les messages qu’elle adresse à ses clients. Vaste challenge !
Revisiter les 5 P du marketing
Il n’en faut guère plus pour que les professionnels du marketing en perdent leur Kotler ! Car les fondamentaux du mix marketing sont profondément revisités sous la pression des parties prenantes qui se montrent critiques et exigeantes à l’égard de l’entreprise et de sa responsabilité sur l’environnement. La tâche n’est pas simple pour les professionnels invités à repenser les cinq « P » traditionnels du marketing -Produit, Positionnement Prix, Promotion, Packaging- en intégrant un zeste de collectif mais surtout une bonne dose d’éthique et de transparence.
Elizabeth Laville, fondatrice du cabinet Utopies propose une interprétation intéressante de ces cinq P autour des items suivants : Personne, Planète, Profit, prise en compte des Parties Prenantes et démarche de Progrès. Une proposition qui n’est pas dénuée de sens alors que le produit ou service responsable devra être utile, écologique, recyclable, équitable et honnête. Et l’experte d’annoncer dans son livre La nouvelle frontière du marketing responsable l’émergence de nouveaux champs de réflexion à travers le marketing éthique qui prône la transparence et l’honnêteté, le marketing vert qui consiste à vendre des produits ayant une valeur ajoutée sociale ou/et environnementale sur leurs marchés et le marketing social qui utilise les moyens du marketing pour promouvoir des comportements responsables dans l’usage des produits.
Une analyse qui traduit en tout cas les nouvelles attentes de ces consom’acteurs qui demandent des preuves d’engagement sociétal de l’entreprise et de transparence sur la valeur ajoutée de ses produits ou services.
Don’t buy this jacket !
Si certaines entreprises commencent à intégrer ces concepts, les initiatives sont encore embryonnaires. L’un des exemples les plus aboutis est sans doute celui de Patagonia, acteur engagé de longue date dans le développement durable, dont la campagne de publicité qui s’affichait récemment dans le New York Times a créé le buzz. On y découvrait en pleine page le visuel d’une polaire avec comme slogan « n’achetez pas cette veste ». « Il y a beaucoup de choses à faire pour nous tous. N’achetez pas ce dont vous n’avez pas besoin » scandait la marque rappelant le coût environnemental de cet article.
Coup marketing ? Acte militant ? La campagne a en tout cas le mérite d’être astucieuse. Elle a su interpeller plus d’un consommateur écoeuré par cette frénésie de consommation en cette veille de noël.
Sandrine L’Herminier, experte réseau Entrepreneurs d’avenir