L’inclusion créatrice de valeurs
Pour Thibaut Guilluy, président du Conseil national de l’inclusion dans l’emploi, l’inclusion fait bon ménage avec l’innovation et le développement économique, et les entreprises ont tout intérêt à nouer des partenariats avec les structures de l’inclusion.
En novembre dernier, Thibaut Guilluy a été nommé président du Conseil national de l’inclusion dans l’emploi (CNIE), rattaché à la Ministre du travail.
Entrepreneurs d’avenir – Quelles sont les missions du CNIE que vous présidez depuis novembre ?
Thibaut Guilluy – Sa raison d’être, c’est de promouvoir l’autonomie par le travail et de permettre à toutes les personnes en difficulté de trouver en emploi. Il a deux stratégies pour y parvenir. D’abord faire en sorte que les politiques publiques garantissent les conditions qui permettent à chacun de rester employable. Ensuite, bâtir des politiques pour que les entreprises soient capables de gérer le retour au travail de personnes qui ont été vulnérabilisées. Le CNIE a déjà conçu avec les associations représentatives du handicap et la DGEFP la réforme des entreprises adaptées portée par Muriel Pénicaud et Sophie Cluzel, et qui permettra d’ici 2022 à 80 000 personnes en situation de handicap de bénéficier d’un parcours de réinsertion, contre 40 000 aujourd’hui.
Quels sont ses moyens ?
Il est force de proposition, d’expérimentation, et de négociation pour faire avancer la cause de l’insertion, dans une logique de co-construction avec l’État et l’ensemble des parties prenantes. Nous avons ainsi proposé au Président de la République de passer de 140 à 240 000 d’ici 2022 le nombre d’emplois d’insertion dans le cadre du Plan Pauvreté. Nous sommes dans une phase de concertation intensive avec tous les acteurs de l’insertion, entreprises, administrations, Pole Emploi, etc. pour relever ce défi social dans les meilleures conditions.
Votre mandat va durer cinq ans. Quel bilan voudriez-vous présenter fin 2023 ?
Je serai satisfait si nous réussissons deux choses. Tout d’abord être en capacité de proposer des parcours adaptés aux capacités et à la singularité de chaque personne en difficulté. Nul n’est inemployable et chacun doit pouvoir bénéficier d’un travail et d’un accompagnement adapté le temps de recouvrer son autonomie et un retour à l’emploi durable. Le second objectif est de faire de la démarche inclusive un élément consubstantiel de la responsabilité de tous les chefs d’entreprise au point de ringardiser celui ou celle qui ne ferait rien. Car c’est en conjuguant mieux l’économique et le social que nous bâtirons une société inclusive et une prospérité durable.
Vous restez directeur général d’ARES ?
Oui, ARES poursuit son développement. En cinq ans, nous sommes passés de 400 à 1000 personnes accompagnées dans l’emploi. Nous créons des joint-ventures d’insertion dans plusieurs domaines, par exemple, Acces avec Accenture, spécialisée dans les services numériques, Log’ins avec XPO Logistics, dans la logistique, Liva, avec Vinci, dans la logistique de chantier. Nous développons aussi des outils d’accompagnement socio-professionnel qui sont mis à la disposition d’autres structures. Prochainement nous allons nous allier avec la startup BimBamJob pour améliorer le matching entre offres et chercheurs d’emploi, un programme qui vise mille personnes dites « invisibles » dans le 93.
Quel regard portez-vous sur l’inclusion en France aujourd’hui ?
Il y a quinze ans, elle était plutôt perçue comme relevant de l’assistanat et du social. Aujourd’hui, elle est au cœur des politiques de lutte contre l’exclusion. Du point de vue de l’entreprise, la prise de conscience est réelle, même si on part de loin. Pendant trop longtemps, avec les vagues d’externalisation et de rationalisation, les entreprises se sont désintéressées des questions sociales. Elles ont perdu leur capacité de management des bas niveaux de qualification. Maintenant elles reconnaissent les structures d’insertion comme des partenaires pour développer leurs capacités à inclure et à recruter.
Vous avez participé à la Fabrique d’avenir le 10 avril prochain. Qu’avez-vous partagé avec les Entrepreneurs d’avenir ?
Les Entrepreneurs d’avenir sont par définition des gens qui innovent et explorent des produits et services nouveaux. Or l’inclusion est facteur d’innovation, notamment dans le secteur de l’économie circulaire. Développer des partenariats avec les acteurs de l’inclusion, c’est donc imaginer de nouveaux business models très créateurs de valeur. L’inclusion, l’innovation et le développement économique font bon ménage : autant dialoguer et croiser les chemins !
Propos recueillis par Pascal de Rauglaudre