Les Petites Cantines : fraternisons autour d’un repas
Co-fondé par Diane Dupré Latour, pour lutter contre la solitude. Au travers de repas durables, participatifs et à prix libre, le réseau repose sur 3 piliers : Accueillir, rencontrer, partager. Né à Lyon il y a 8 ans, le réseau compte près de 13.000 adhérents actifs.
Grandir plutôt que grossir, le choix d’impact des Petites Cantines
Les Petites Cantines : de la lutte contre la solitude à une société fondée sur la confiance !
12 restaurants participatifs en fonctionnement, 13 en phase de montage de projet, plus de 13 000 adhérents actifs de tous les âges et tous les parcours de vie : le projet des Petites Cantines, né à Lyon il y a 8 ans, s’apprête à publier sa première mesure d’impact social consolidée.
Entrepreneurs d’avenir : En quoi les Petites Cantines proposent un changement de regard sur le lien social ?
Diane Dupré la Tour : Notre intention de départ, lorsque j’ai fondé les Petites Cantines avec Etienne Thouvenot en 2016, était de lutter contre la solitude. L’objectif était de monter des restaurants participatifs et à prix libre, dans lesquels les convives puissent vivre une expérience d’accueil et de rencontre. Des repas en alimentation de qualité (produits locaux, de saison, en circuit-court, bio, collecte d’invendus et surtout de la saveur et de la gourmandise), dans une ambiance participative : les convives qui le souhaitent peuvent venir cuisiner, mettre le couvert ou encore faire un brin de vaisselle. Le tout avec une promesse : rencontrer des personnes qu’ils ou elles n’auraient pas forcément rencontrées ailleurs.
Aujourd’hui, avec huit ans de recul, je me rends compte qu’il est intéressant d’aborder ce sujet de la solitude de manière plus systémique, d’attaquer le problème à la racine. Qu’est-ce qui se passe derrière ce manque douloureux ? Quand on écoute vraiment les convives, on entend derrière leur sentiment de solitude le besoin de se sentir relié. Or c’est un besoin qui est joyeux, fédérateur d’une énergie nouvelle. Ce que les convives expriment dans les restaurants participatifs, c’est la joie de ressentir de la confiance, et ça change tout : de la confiance en soi, en l’autre, dans les produits (ceux qu’ils ont dans l’assiette), dans un modèle socio-économique (ici, celui du prix libre, qui permet aux restaurants d’être autofinancés), et in fine dans l’avenir. C’est ainsi que nous sommes passés du discours ambiant de lutte contre la solitude – parfois stigmatisant et contre-productif car provoquant de la honte chez les personnes seules dans cette société hyperconnectée – à une approche plus centrée solution : celle de faire de ces restaurants des lieux pour remuscler la confiance.
Et les moins de 24 ans sont particulièrement sensibles à cette proposition. Par exemple, ils sont 83% à déclarer que grâce aux Petites Cantines, ils ont davantage conscience de leurs qualités et de leurs ressources et peuvent les valoriser. Le repas est un formidable moyen d’expérimenter et de transmettre cette confiance. Aux Petites Cantines, on aime bien dire que les rencontres ont du goût !
Comment développer le réseau des Petites Cantines sans risquer de perdre l’âme du projet ?
D’abord en misant sur les rituels collectifs, la clarté et la confiance plutôt que sur le contrôle : il y a des rituels pour se connaître les uns les autres, des rituels pour se former et des rituels pour décider.
Puis peut-être en remettant les limites au centre. Cela peut être des limites collectives : aujourd’hui le réseau compte 26 associations – chaque restaurant est gouverné par une association autonome. Ensemble, nous avons décidé que le réseau grandirait pour accueillir jusqu’à une cinquantaine d’équipes… pas plus! 50 restaurants participatifs, c’est déjà un beau challenge et notre souhait est d’accorder autant de soin au chemin qu’au résultat. Au-delà de 50 restaurants, nous pensons que l’effet du réseau sera réversif, et contre-productif: il s’agit en effet de grandir et non de grossir. Grandir, cela passe aussi et d’abord par les racines. C’est pourquoi mon rôle, en tant que co-fondatrice, n’est pas tant de travailler sur le développement visible et un peu “paillette”, même s’il nous réjouit, que sur l’approfondissement de qui nous sommes et pourquoi nous agissons ainsi.
Enfin, j’aime l’équation “sens+limite = joie”. Ce projet n’est pas figé, il est vivant. C’est à cause de l’alignement que nous ressentons que nous nous y engageons. Le sens est donc essentiel. Cependant ce sens peut être à l’origine parfois d’une sur-implication qui fait autant de dégâts que la sous-implication. Cela passe donc par apprendre à mettre des limites à son implication personnelle : un enjeu clé pour les Responsables de cantine (les salariés qui pilotent les restaurants), pour les bénévoles engagés… et aussi pour les co-fondateurs, qui ne sont pas épargnés. Le meilleur indicateur sur le tableau de bord – même si ce n’est pas le seul ! – c’est la joie.
Alors quelles sont vos prochaines pistes… non pas de développement, mais de racines ?
Saviez-vous qu’aujourd’hui en France, près de 7 personnes sur 10 pensent qu’on ne se méfie jamais assez des autres (source Credoc 2023)? Le quotidien des entreprises est bien sûr fortement impacté par cette réalité.
Rendre explicite ce qui est implicite dans le projet : comprendre pourquoi ça marche, l’analyser et le repartager au plus grand nombre. Cela passe notamment par la publication en octobre de notre mesure d’impact social, qui exposera les grands apprentissages que nous tirons de notre expérience sur le terrain. Nous tentons d’y caractériser l’expérience de la confiance, en partant des mots des convives. Il s’agit en quelque sorte de transformer leur retour d’expérience en expertise.
Les entreprises peuvent rejoindre ce mouvement de renforcement du muscle de la confiance : nous sommes devenus sociétaires d’un organisme de formation, qui nous permet de former les collaborateurs par le biais des budgets de formation professionnelle. Nous avons également monté un comité de soutien académique, composé de philosophes, de sociologues et de penseurs de la transition sur ce sujet des ingrédients racines du lien social. Nous sommes à la recherche d’entreprises cobayes pour nous permettre de tester de premiers modules de formation, sur mesure, appliqués au contexte de l’entreprise.
Enfin nous avons une idée toute simple pour renforcer la place de la confiance dans notre récit collectif. Pour cela n’hésitez pas à nous contacter : nous vous soufflerons cette idée. Elle est gratuite et toute simple à mettre en œuvre. Or, comme on dit aux Petites Cantines : plus c’est simple, plus c’est puissant!