« Les femmes doivent prendre toute leur place dans les conseils d’administration »

À partir de 2017, la loi oblige les grandes entreprises à accueillir des femmes dans leur conseil d’administration. Mais sont-elles vraiment prêtes ? Lucille Desjonquères, du cabinet Femmes au cœur des conseils, fait le point.



Promulguée en 2011, la loi Copé-Zimmermann, qui vise à améliorer l’équilibre entre femmes et hommes au sein des conseils d’administration, est devenue effective en 2017. Autant dire que les entreprises ont eu tout le temps de se préparer. Mais sont-elles vraiment prêtes ? Lucille Desjonquères, directrice générale du cabinet de recrutement Femmes au cœur des conseils (FCC), et présidente de International Women’s Forum France (qui réunit 6500 femmes d’influence dans le monde), fait le point sur son application.

Entrepreneurs d’avenir – La loi Copé-Zimmermann impose aux entreprises de plus de 500 salariés ou qui réalisent plus de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires d’avoir 40 % d’administratrices indépendantes. L’objectif est-il atteint ?

Lucille Desjonquères – Tout dépend des entreprises. Le groupe SBF 120 se tient plutôt bien puisque ses conseils d’administration comptent 39 % de femmes en moyenne. Les autres entreprises cotées tournent à 24 %, et le non coté est à 16 %. Il leur reste donc deux mois avant les assemblées générales de juin pour se mettre en conformité avec la loi. Bonne chance à elles ! Mais nous sommes là pour les aider !

Pourquoi faut-il encore des quotas en 2017 ?

Parce que sans eux rien ne bouge ! Mais ils doivent être appliqués à bon escient, avec de solides compétences derrière. La cooptation des copains a fait son temps et la gouvernance s’est professionnalisée. J’espère que ça encouragera les entreprises à recruter les personnes capables de les emmener le plus loin possible. Sur ce plan, les femmes n’ont rien à craindre, comme le montrent les candidates que nous avons promues : Jessica Delpirou, dg de made.com, Myriam Maestronni, présidente d’Economie d’énergie, ou encore Catherine Barba, grande experte du digital.

Que risquent les entreprises qui ne respectent pas la loi ?


Les sanctions sont plutôt bien conçues. Tant que le quota de 40 % de femmes n’est pas atteint, les jetons de présence sont gelés, mais ils pourront être récupérés de façon rétroactive. Toutes les nominations masculines qui prendraient la place des femmes seront déclarées nulles et non avenues, et les commissaires aux comptes devront le signaler.


Votre cabinet s’est spécialisé dans la féminisation des instances de gouvernance. Comment encouragez-vous les femmes à être candidates à des conseils d’administration ?


Les femmes sont accros à la performance et à l’excellence mais elles peuvent être leurs propres ennemies. Quand une entreprise propose une promotion, un homme qui remplit 50 % du profil demandé n’hésitera pas à se présenter, tandis qu’une femme n’osera pas tant qu’elle n’atteint pas 120 %. Elle doit faire preuve de davantage d’audace et de culot pour postuler à des fonctions où elle est parfaitement légitime.

Comment les préparez-vous à être administratrices ?

Nous avons monté un programme court et efficace à base de modules de stratégie, finance, communication financière, media training, coaching, etc. avec des experts aguerris, comme Jean-Michel Monnot, ancien directeur de la diversité chez Sodexo. Ce programme est destiné aux hauts potentiels des entreprises qui visent des mandats ou l’accès aux comex. Par ailleurs, Daniel Bos, administrateur de l’IFA, a mis en place un outil pertinent pour améliorer la professionnalisation des conseils : l’évaluation est faite à la fois en amont et en aval de la formation pour mieux en mesurer l’impact.


La France est-elle en retard ou en avance sur la féminisation de la gouvernance ?

Elle est plutôt dans une bonne moyenne, mais la quasi-totalité des pays sont très en retard. La Norvège est la plus avancée, et les résultats des entreprises administrées par des femmes y sont bien meilleurs. Autre pays très en avance : la Chine, qui compte de nombreuses entreprises présidées par des femmes. En Allemagne, le pays d’Angela Merkel, c’est la catastrophe, et nous essayons de proposer nos candidates pour remplir leurs quotas. Et ce n’est pas mieux au Japon ni aux Etats-Unis.


Quel message passeriez-vous aux Entrepreneurs d’avenir ?

Je commencerais par leur dire que les femmes adorent l’entrepreneuriat. Bpifrance a fait appel à nos candidates, qui sont très sensibles à la possibilité de rejoindre les startups dans lesquelles elle investit. Si un projet les intéresse, même s’il y a peu de moyens, elles peuvent le porter très loin en apportant réseau et compétences. Elles ont plus conscience du temps long, et sont plus sensibles au développement durable et à la RSE que les hommes. D’ailleurs, la mixité des instances de gouvernance améliore le bilan RSE des entreprises. Les entreprises qui ont un CA mais n’ont pas les moyens de s’offrir des consultants trop chers, auraient donc tout intérêt à profiter de ces compétences féminines.

Femmes au coeur des conseils

Propos recueillis par Pascal de Rauglaudre

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