Le vrac et le réemploi : 900 entreprises se mobilisent
Rencontre avec la visionnaire Célia Rennesson. Réseau Vrac et Réemploi, une initiative pionnière dans la transition vers une économie circulaire. Explorez leur modèle économique et de gouvernance, leurs missions structurantes et leurs efforts pour sensibiliser entreprises et consommateurs au potentiel du vrac et du réemploi.
Entrepreneurs d’avenir : Vous avez cofondé en 2016 l’association Réseau Vrac et Réemploi. Pourriez-vous nous rappeler les étapes et ce qui vous a motivé à lancer ce projet ? Et quel est votre modèle économique et de gouvernance ?
Célia Rennesson : Il y a 10 ans, j’ai voulu réduire la quantité d’emballages que je jetais dans ma poubelle. La solution que j’ai trouvée était d’acheter tous mes produits en vrac ou en emballages réemployables. Comme cela n’était pas très développé, j’ai d’abord voulu créer mon magasin. Mais en amorçant le projet, je me suis rendue compte que beaucoup de produits n’étaient pas disponibles, qu’il n’existait pas de cadre légal ou de formation adaptée. Bref, qu’il n’y avait pas d’écosystème et que toute la filière était à construire. Au fil des rencontres, l’idée est venue de lancer une association pour regrouper les entrepreneurs et entreprises du secteur, afin de faire évoluer la loi, de les accompagner à transformer leurs offres pour mettre sur le marché davantage de produits sans emballages jetables dans les rayons. En 2023, nous avons fusionné avec Réseau Consigne pour couvrir désormais l’ensemble du secteur du réemploi des emballages dont le vrac fait partie.
Aujourd’hui, notre association regroupe plus de 900 entreprises du secteur : producteurs, apporteurs de solutions et magasins. Nos 3 missions sont de structurer le marché à travers des actions de lobbying et la création d’outils et de normes ; de développer le marché avec la création d’un salon international « Le Salon du Vrac et du Réemploi » qui réunit les acteurs privés et publics autour des solutions qui existent et de conférences sur la filière ; de promouvoir ce mode de consommation auprès de tous les publics afin d’accompagner la transition, pour cela, nous avons mis en place un site internet et un événement annuel et national « le Mois du Vrac et du Réemploi » durant le mois de mars.
Toutes ces activités sont menées par une équipe de 10 salariés. Elles sont suivies et orientées par un conseil d’administration de 15 professionnels.
Quel est l’état des lieux de la vente en vrac et du réemploi en France et dans le monde éventuellement si les informations sont disponibles ?
Le marché du vrac s’est fortement développé en France grâce à la prise de conscience apportée par les mouvements antigaspi et zéro déchets dès 2017 et aux actions concrètes portées par notre association. Nous avons apporté de belles avancées dans la loi pour faire reconnaître le vrac, donner le droit au consommateur de faire ses courses en vrac, fixer des objectifs de réemploi notamment (loi AGEC) et aussi fixer des objectifs de vrac dans les magasins de plus de 400m2 (loi Climat et Résilience). Nous poursuivons nos actions et aussi en Europe, pour faire en sorte que ces objectifs deviennent réalité.
Grâce à notre travail, la France est le pays le plus développé en matière de vrac et le plus dynamique en matière de soutien et de cap législatif pour le réemploi des emballages. Actuellement, 30% des Français consomment en vrac et 9 Français sur 10 sont favorables au retour de la consigne pour boissons.
Comment amener les entreprises et les consommateurs à privilégier le vrac et le réemploi ? Qui cela concerne par ailleurs ?
Le vrac et le réemploi concernent quasiment toutes les entreprises et tous les secteurs : produits de grande consommation, restauration, événementiel, logistique, e-commerce, etc. Nous avons créé l’association et organisé nos missions pour amener les entreprises et les consommateurs à aller vers le vrac et le réemploi. C’est en faisant évoluer la loi, en créant un moment de connexion annuel où l’offre innovante et la demande se rencontrent au Salon du Vrac et du Réemploi, et en ayant créé le Mois du Vrac et du Réemploi pour sensibiliser massivement, que l’on agit sur tous les leviers et que l’on accompagne tous les maillons de la chaîne de valeur en même temps.
Quels sont les leviers réglementaires, politiques, mais aussi économiques qu’il faudrait activer pour aller plus vite et plus loin ?
Aujourd’hui nous avons en France des lois qu’on nous envie de par le monde : le problème reste qu’elles ne sont pas toujours appliquées. Il faut de la volonté politique et des moyens pour les exécuter et embarquer tous les acteurs à se transformer. À défaut de non mise en place par les acteurs, il faut des sanctions et cela manque cruellement aujourd’hui. Les modèles du vrac et du réemploi sont une rupture de ce qui est pratiqué depuis plus de 60 ans : accompagner, financer à la hauteur des enjeux, contrôler et sanctionner : voici les clés d’une transition réussie. Également, le cadre européen et international est à considérer compte tenu de la mondialisation de nos marchés : c’est pour cela que nous agissons aussi à ces niveaux-là sur les règlements et traités qui concernent nos sujets.
Comment voyez-vous le déploiement de votre activité, de votre réseau ?
Après la fusion réussie avec l’association Réseau Consigne l’année dernière, l’heure est pour nous à la consolidation du marché en France en déployant le réemploi dans le secteur des produits de grande consommation à l’échelle nationale à travers notamment le projet ReUse mené par Citéo dans lequel nous sommes associés. Enfin, nous continuons notre implication sur le plan européen avec l’association New ERA à laquelle je siège en tant qu’administratrice et un projet européen de réemploi dans la restauration à emporter.