Gil Burban, un architecte geek converti au biomimétisme

Architecte de formation, le fondateur de Polypop teste ses champignons destructeurs de métaux lourds sur un chantier d’Eiffage à Marseille.

Les champignons de la start-up Polypop achèvent ses jours-ci de grignoter les métaux lourds sur le site d’une ancienne usine à gaz des quartiers Nord de Marseille. Séduit par le principe d’une dépollution à la fois naturelle, plus rapide (et donc moins coûteuse) que les méthodes traditionnelles, Eiffage Construction, qui y construit actuellement le programme de l’« îlot Allar », a en effet proposé à son fondateur Gil Burban un espace et un financement pour y tester sa solution à l’échelle 1. La mycoremédiation évite aux déchets de classe 1 (les plus dangereux) d’être envoyés en centre de confinement ou traités par procédé thermique, seule « solution » aujourd’hui connue.

« Les tests en laboratoire ont donné de très bons résultats, mais pour sortir du labo et pénétrer sur le marché (potentiellement gigantesque) de la dépollution, il nous aurait fallu lever plusieurs millions d’euros », explique cet architecte de formation au parcours atypique. Diplômé en 2004, Gil Burban a ainsi co-fondé le collectif EXYZT (aujourd’hui dissous) en compagnie d’architectes, artistes et pirates informatiques, qui a notamment réalisé le pavillon français de la biennale d’architecture de Venise en 2006 sous l’égide de l’architecte Patrick Bouchain.

Des algorithmes génétiques à la culture des champignons

Adepte du mouvement du « do-it-yourself » et des makers, Gil Burban s’était lancé dans l’élaboration d’algorithmes génétiques, avant de réaliser : « Ce que j’essayais de modéliser, la nature le faisait déjà, et beaucoup mieux », reconnaît-il. Et le voici passé des imprimantes 3D aux autoclaves, du design à la permaculture et au biomimétisme. « Au lieu d’exploiter la nature, il s’agit de s’en inspirer », résume-t-il pour expliciter cette façon d’innover que commencent à s’approprier les entreprises pour inventer des solutions plus « naturelles » de fabriquer des matériaux, produire de l’énergie, se déplacer, etc. Elles sont plusieurs à s’être regroupées au sein du CEEBIOS, qui prend ses quartiers à Senlis (Oise), dont Eiffage Construction, Interface, Saint-Gobain, la SNCF… Le centre européen d’excellence en biomimétisme compte parmi ses membres fondateurs des personnalités scientifiques (Gilles Bœuf, président du Museum d’histoire naturelle), laboratoires, pôles de compétitivité et associations.

Identifier des opportunités de marché

Gil Burban, pour qui « comprendre ce qui se passe dans les 10 premiers centimètres sous nos pieds est plus complexe et passionnant encore que la lune ou le fond des océans », a créé Polypop en juin 2014, avec la volonté de croiser sa curiosité du vivant avec les opportunités de marché. « Pour aider la société à évoluer vers une économie bas carbone, il faut faire se rencontrer les problématiques environnementales et économiques et proposer de vraies alternatives ».

Ce qui ne va pas sans rencontrer quelques obstacles. Le caractère transversal du projet initial (qui mixe microbiologie, agriculture et mise en œuvre sur le chantier) et la surface financière de l’entreprise, disproportionnée au regard des pénalités de retard que devrait verser un constructeur client de Polypop en cas d’échec, ont rebuté tous les assureurs consultés. Polypop a dû renoncer à faire de la prestation de service sur le chantier pour se mettre à produire et vendre les bactéries, et laisser les clients superviser la mise en œuvre in situ. Un changement de modèle économique à opérer en l’espace de 6 mois.

Crowdfunding pour un projet pédagogique

« C’est un peu comme de vendre des plats cuisinés au lieu de faire la cuisine », regrette Gil Burban. Polypop a donc entamé en Savoie la construction d’une unité de production à visées pédagogiques, capable d’accueillir aussi bien des enfants, des élèves de lycées agricoles ou des élus, afin de les sensibiliser aux valeurs de l’écologie, à la biodiversité et au biomimétisme. Outre le soutien de la banque et des fonds européens du programme KIC Inno, Polypop s’apprête à lancer une campagne de crowdfunding auprès de la plateforme BlueBees. Sous forme de don, car la start-up ne souhaite pas ouvrir son capital avant d’avoir déposé des brevets. L’équipe (deux associés et deux scientifiques à temps partiel), espère décrocher prochainement d’autres pilotes, notamment auprès d’une CCI d’Ile de France et d’une commune qui souhaite éviter la pollution de sa rivière par l’épandage agricole.

Polypop Industries

Ceebios

Dominique Pialot et Pascal de Rauglaudre

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