Face à l’urgence climatique, le Comité Colbert mobilise l’industrie du luxe
Bénédicte Epinay, déléguée générale du Comité Colbert, témoigne de l’alliance possible entre réussite économique et engagement écologique. À condition d'avoir des objectifs à long terme et une coopération entre les acteurs du luxe.
Rédigé dans le cadre de l’Université de la Terre
Vous avez été nommée déléguée générale du Comité Colbert en mars 2020. Quel est le chemin parcouru depuis votre arrivée ?
Bénédicte EPINAY : Le 26 mars 2020 en plein confinement, j’ai reçu un ordinateur et… pris à distance mes fonctions de déléguée générale du Comité Colbert. Autant dire que la thématique de la prochaine édition de l’Université de la terre « La vie à l’heure des grandes transitions », résonne particulièrement pour moi ! Le Comité Colbert rassemble 90 maisons de luxe et 17 institutions culturelles françaises parmi les plus prestigieuses, animées de la même passion pour la culture du beau et l’excellence. Ma première action a été de doter l’association d’une raison d’être qui exprime notre rôle et nos valeurs : « promouvoir passionnément, développer durablement, transmettre patiemment les savoir-faire et la création française pour insuffler du rêve ». Celle-ci réaffirme notre fonction d’être la voix du luxe français au-delà même du cercle de nos membres. Celle que l’on écoute quand elle s’exprime. Il était temps de donner de la voix car le luxe français est un poids lourd de notre économie y compris dans cette période instable, représentant plus de 35% du CAC 40 et employant, directement et indirectement plus d’un million de salariés dans l’hexagone. Mon ambition est également d’animer et de mettre en lumière les nombreuses actions menées par le Comité Colbert s’agissant de la préservation des savoir-faire, de la protection de la propriété intellectuelle ou de la promotion, collective, de cette industrie sur les grands marchés étrangers.
Le Comité Colbert a engagé une démarche d’accompagnement de ses membres, les maisons de luxe, dans leur démarche d’impact social et environnemental ? Comment se concrétise cette dynamique inédite ?
Je dois d’abord vous dire que le travail autour de la thématique du développement durable a été initiée il y a quelques années au sein du Comité Colbert par la création en 2011, avec l’aide de l’agence de notation Vigéo, d’un référentiel de valeurs et d’objectifs RSE spécifiques à notre industrie. Le consensus s’est alors fait autour de quatre items forts : l’esthétique, l’exigence, la pérennité et le respect. Il est vrai que les valeurs portées par le développement durable sont inhérentes à notre industrie du temps long.
En juin dernier, nous avons souhaité passer du discours à la preuve par la publication d’un carnet d’inspiration rassemblant les actions les plus remarquables de nos maisons classées selon les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies. Ce rapport, gage de la transparence que nous devons désormais à tous, collaborateurs, consommateurs, investisseurs, prestataires et partenaires, a été complété par la publication à l’automne dernier d’un guide pratique très opérationnel pour accompagner nos maisons les moins matures sur les étapes de mise en place d’une démarche R.S.E. Enfin, nous avons initié des déjeuners de partage entre maisons à des stades différents de leur politique RSE afin d’échanger et de créer une dynamique vertueuse.
Quels sont les objectifs pour 2022 et 2023 sur ce chemin de la soutenabilité du luxe ?
Ils tiennent en un verbe d’action : fédérer. Face à l’urgence climatique, il est essentiel de jouer « collectif » pour rendre possible cette transition écologique à l’échelle de la société. Le partage de la connaissance sera un élément clé de la réussite. C’est par exemple le cas dans les vignobles où les acteurs mènent collectivement au sein des interprofessions des recherches sur de nouvelles variétés de raisins résistantes. Nous savons que le développement durable sera l’un des principaux moteurs de l’innovation des dix prochaines années. Par les échanges entre maisons, nous veillons à ne laisser aucune d’elle sur le bord de la route.
Le Comité Colbert devient partenaire de l’Université de la Terre. Quel est le sens de cette alliance ? qu’en attendez-vous ?
Le Comité Colbert rejoint l’Université de la Terre car nous voulons témoigner de l’alliance possible entre réussite économique et respect de l’environnement : notre industrie ne prétend pas être parfaite, mais nos maisons sont toutes les héritières d’une longue tradition d’innovations, de créations, de gestes et de transmissions qui ont permis leur arrivée jusqu’à nous. Education, supply chain, éco-conception, protection de la biodiversité, etc. : tous ces sujets sont adressés par nos membres dont l’engagement sur la transition écologique est total. Nous sommes partenaires de l’Université de la Terre pour en témoigner collectivement et porter un appel à la coopération entre entreprises. Le luxe et les métiers d’excellence, qui y sont associés, existaient bien avant la révolution industrielle, il est important pour nous de montrer comment, par notre contribution, nous pouvons contribuer à éclairer durablement l’avenir.