QuotaClimat éveille les consciences écologiques

Face à l’absence de la crise écologique dans l’espace médiatique du débat présidentiel 2022, Eva Morel et Anne-Lise Vernières décident de fonder QuotaClimat. Ce collectif éveille les consciences climatiques, dans le but d’obtenir une forte mobilisation citoyenne grâce à l’analyse des pratiques éditoriales des médias.

Entrepreneur d’avenir : Vous êtes co-fondatrice du collectif Quota climat créé juste avant la présidentielle 2022 pour interpeller sur le manque de représentation des sujets climatiques dans les médias et plaider pour un quota de temps sur ces sujets. Six mois après la présidentielle, quel bilan pour la représentation des enjeux climatiques ? Quel rôle a Quotaclimat ?

QuotaClimat : Nous avons créé l’association QuotaClimat dans un contexte très particulier. Nous étions en pleine campagne présidentielle et le GIEC publiait son 6e rapport d’évaluation. Pourtant, la crise écologique demeurait la grande absente du débat public. Elle occupait en moyenne 3% de l’espace médiatique, alors même que toutes les conditions étaient réunies pour que nous puissions enfin tenir des débats de fond sur le sujet. Depuis, QuotaClimat interpelle les médias sur ces enjeux, notamment via la mobilisation citoyenne et la publication quotidienne d’analyses sur les pratiques éditoriales des médias (presse écrite, radio et TV).
Six mois après la présidentielle, nous constatons que la représentation des enjeux écologiques a considérablement évolué. Cela s’explique par différents facteurs, notamment par le fait que la mobilisation se renforce, tant du côté des journalistes au sein de leur rédaction, qu’au niveau de la société civile. En septembre, par exemple, plusieurs médias ont pris des engagements structurants (Radio France, France Télévisions, AFP), et plus de 1200 journalistes ont signé une “Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique”. Il y a donc une prise de conscience indéniable. Néanmoins, la quantité et la qualité de la couverture de ces enjeux demeurent très hétérogènes selon les médias. Nous le montrons très clairement à travers le baromètre sur la médiatisation de la COP27 que nous avons co-construit avec l’association DataForGood. Pour de nombreux médias, le compte n’y est pas, or cette déficience d’informations se répercute ensuite sur des millions de lecteurs, auditeurs et téléspectateurs, lesquels ont ensuite une perception partielle, fragile ou biaisée de ces enjeux majeurs.
Les médias peuvent avoir un impact significatif pour faire progresser la conscience des crises écologiques. Ils ont une responsabilité dans la compréhension du public et sa volonté d’agir. Notre rôle est donc de poursuivre l’interpellation constructive pour s’assurer que ces enjeux demeurent au centre de l’attention. Cela nous paraît absolument décisif pour favoriser l’acceptabilité et la réussite de la transition. Outre le baromètre de l’écologie dans les médias réalisé avec DataForGood, nous collaborons actuellement avec l’Institut Rousseau à la rédaction de propositions législatives. Ce sont des leviers importants pour permettre une meilleure prise en compte de ces enjeux dans les médias à travers la formation, l’objectivation des données, en précisant le rôle de l’Arcom, en luttant contre la désinformation sur ces sujets, etc.

 

Avec une actualité extrêmement riche et alarmante de l’été dernier autour des enjeux climatiques, on peut avoir l’impression que la couverture médiatique sur ces sujets a augmenté, qu’en est-il vraiment ?

Force est de constater que les catastrophes de l’été 2022 ont permis une augmentation de la couverture médiatique à un instant donné. Néanmoins, le traitement de ces catastrophes n’a pas systématiquement débouché sur l’organisation de débat de fond sur les causes, les conséquences et les solutions face aux crises écologiques. Souvent, il n’était même pas ou peu rattaché au changement climatique.
Les feux de forêt, dont le déclenchement était très majoritairement criminel, étaient principalement traités sous cet angle sans systématiquement faire de lien avec le mécanisme de boucle de rétroaction incendie-climat amplifié par la sécheresse inédite et les très fortes chaleurs. De même, le traitement des canicules était souvent problématique avec des illustrations montrant des personnes jouant dans l’eau ou mangeant une glace. Cela peut paraître anodin si cela n’occultait pas les 11 000 décès recensés par l’Insee dus aux fortes chaleurs cet été. Si le traitement paraît augmenter quantitativement, la qualité ne suit, elle, pas toujours.
Mais depuis, le changement climatique paraît déjà loin. La couverture médiatique s’est largement allégée alors même que nous vivons l’automne le plus chaud jamais enregistré. Il y a donc un enjeu à pérenniser la place de ces enjeux dans le débat public sur le temps long. Les crises écologiques ne sont pas des sujets saisonniers.

 

Les sources et les médias se multiplient sur les questions climatiques en ligne : Bon Pote, Vert… Quel est le type de média – radio-télévision-presse écrite- le moins ou le plus en pointe sur ces sujets ?

Les médias indépendants sont généralement très en pointe sur ces sujets. Reporterre, le Vert Média, Bon Pote, Natura Sciences, et beaucoup d’autres, sont aujourd’hui des références dans leur catégorie.
Côté presse et média généralistes, il est aujourd’hui particulièrement difficile d’obtenir des données actualisées sur le sujet. Nous travaillons justement avec l’association DataForGood à l’élaboration d’un baromètre annuel pour quantifier et qualifier de façon objective la couverture médiatique de ces sujets.
Nous pouvons néanmoins faire référence à l’excellent travail de Reporters d’Espoirs qui réalisa en juillet 2020 l’étude MédiasClimat. Les résultats sont clairs. Tout média confondu, les sujets environnementaux demeurent peu contextualisés dans le problème climatique et le traitement est globalement faible, moins de 1% en moyenne. La palme d’or revient à la presse quotidienne nationale, avec notamment Le Monde dont environ 5% de sa production éditoriale évoque ces sujets. Le leader au niveau de la presse quotidienne régionale est Ouest France pour 0,87% de sa production éditoriale. La télévision a quant à elle des marges d’amélioration pour réaliser des sujets de façon constructive (les liens sont faits, les enjeux sont abordés dans leur globalité), et notamment aux pics d’audience. Même constat pour la radio où l’écologie est souvent cantonnée aux chroniques spécialisées et quasi absente des journaux, notamment des matinales.

 

Comment sensibiliser le plus grand nombre et tout particulièrement des publics traditionnellement éloignés de l’actualité et notamment les sujets écologiques ?

Souvent persuadés que l’écologie ne fait pas d’audience, nous préférons traiter ce sujet sous l’angle du sensationnalisme, du catastrophisme ou nous le cantonnons aux sujets cristallisants (débat sur le nucléaire, 110 Km/h, etc.). Il est pourtant nécessaire de sortir de la polémique sur de tels enjeux pour rentrer dans le concret. Pour traiter au mieux du sujet et être impactant, il nous paraît donc primordial de décantonner l’écologie de sa rubrique, de s’appuyer sur la science et sur les experts, de porter ces sujets en les liant au quotidien des gens. Des débats journaliers devraient avoir lieu sur les différents plans d’action, la place des technologies et celle de la sobriété, nos stratégies d’adaptation, le rôle de la puissance publique, des entreprises et des individus, l’accompagnement social, la solidarité vis-à-vis des pays les plus impactés. Il y a tant à dire, tant à faire pour intéresser et mieux sensibiliser.

 

Quelles sont les nouvelles qui vous donnent de l’espoir ?

La situation est objectivement très critique et si quelques avancées font aujourd’hui l’actualité, la transition des entreprises, des pouvoirs publics et des médias n’est malheureusement pas à la hauteur des enjeux. Aujourd’hui, ce qui nous donne de l’espoir en tant que jeunes, c’est de voir la mobilisation citoyenne grandir. De nombreux mouvements émergent pour pallier à l’inertie généralisée. Rien de peut redonner plus d’espoir que de voir des citoyens revendiquer, partout dans le monde et de façon non violente, leur détermination à évoluer dans un environnement sain et juste.

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