ENVIE : « Le réemploi est un gisement d’innovations »
Depuis 35 ans, la Fédération ENVIE conjugue avec succès économie circulaire et insertion sociale. Aujourd’hui, les 53 entreprises de son réseau emploient 2500 salariés en parcours d’insertion. Décryptage des enjeux du secteur par Jean-François Hummel, son nouveau directeur général.
L’économie circulaire, pour la Fédération ENVIE, ça n’a rien de nouveau : elle en fait depuis sa fondation en 1984, en remettant en état d’usage les appareils électro-ménagers pour prolonger leur garantie, le tout avec une forte composante d’insertion sociale. Aujourd’hui, elle fédère 53 entreprises, qui emploient 2500 salariés en parcours d’insertion. Jean-François Hummel est son nouveau directeur général depuis deux mois.
Entrepreneurs d’avenir – Quels sont vos objectifs à la tête de la Fédération ?
Jean-François Hummel – Nous allons poursuivre les processus d’innovation au sein du réseau. Les entreprises fédérées autour de la marque ENVIE peuvent se trouver en concurrence avec des grands faiseurs nationaux, comme Derichebourg et Veolia, dans un marché de plus en plus convoité, celui des éco-organismes. Il faut donc explorer des voies d’innovation. Les pièces détachées de réemploi sont une piste. Les fabricants sont tenus d’en conserver un stock pendant huit ans pour prolonger la durée de vie des appareils électro-ménagers. Nous sommes en train de passer à une dizaine d’années, et l’Europe appuie pour que ça soit quinze, voire vingt ans.
Mais stocker des pièces détachées coûte cher !
Oui, c’est un processus industriel complexe, avec des difficultés de stockage et de nomenclature. Nous devons nous positionner comme partenaires, pour extraire des pièces détachées en bon état d’usage et les réinjecter dans le circuit économique. Le plus compliqué est de suivre les nomenclatures et de les maintenir à jour. Nous sommes en train de négocier un accès libre à Agora, la base de données du GIFAM.
Travaillez-vous avec les industriels dans la conception des produits ?
Non, nous n’avons aucune prétention à être présent en amont des processus industriels. Ceci dit, notre savoir-faire peut servir d’expertise lorsque la réflexion avance sur le sujet. Malheureusement les contraintes règlementaires ne sont pas encore assez fortes pour que des groupes de travail se mettent en place dans ce sens. Nous participons à des forums nationaux et européens pour faire en sorte que l’économie circulaire et l’emploi durable soient au cœur de l’économie de l’avenir.
Ce sont des processus qui prennent du temps !
Oui, c’est très lent, parce que la notion de profit prédomine dans notre société. Les consommateurs plébiscitent Amazon et le Black Friday. Mais nous proposons des modèles alternatifs, comme le Green Friday, pour dire aux clients : par vos achats vous avez le pouvoir de choisir un autre modèle, plus responsable et plus porteur d’avenir.
Comment mesurez-vous le succès de cette initiative ?
Par le nombre d’adhérents au collectif et l’intérêt des citoyens. Le mouvement Green Friday a également permis de sensibiliser des distributeurs classiques qui souhaitent aujourd’hui développer des partenariats avec notre réseau. Cela permettrait de réinjecter dans nos filières de recyclage et de réemploi des produits qui partaient au rebut auparavant.
Vous êtes plutôt optimiste ?
Bien sûr ! Le réemploi est un gisement d’innovations, et les politiques ne peuvent se permettre de l’ignorer. Voyez notre autre réseau de franchise, ENVIE autonomie : il rénove le matériel médical spécialisé, fauteuils roulants, lits médicaux, à des coûts inférieurs de 50 % à ceux du marché. C’est un gros enjeu politique, puisque la sécurité sociale ne rembourse pas le matériel d’occasion. Nous recherchons donc des partenaires pour alimenter les structures ENVIE en pièces à réemployer et faire du lobbying. Ce qui nous importe, c’est que des salariés puissent développer ces innovations dans leur cursus d’insertion.
Propos recueillis par Pascal de Rauglaudre