Du crowdfunding pour l’action des femmes
Les nouvelles technologies libèrent les femmes. Lindsey Nefesh Clarke le prouve avec W4, une plateforme de crowdfunding dédiée à l'entrepreneuriat féminin.
Les technologies numériques peuvent-elles faciliter l’émancipation des femmes ? Oui, répond avec conviction Lindsey Nefesh Clarke. Cette jeune femme, alumni ESCP Europe 2009, où elle a obtenu un Executive MBA, a fondé W4 (pour Women’s World Wide Web), la première plateforme de crowdfunding dédiée à la promotion féminine et à l’entrepreneuriat féminin partout dans le monde. Pour elle, l’accès aux technologies de l’information est un moyen d’offrir aux femmes plus de liberté et une meilleure protection de leurs droits, aussi bien dans les pays émergents que dans les pays développés.
Entrepreneurs d’avenir – Pouvez-vous nous donner des exemples de projets portés par W4 ?
Difficile à dire, tellement ils sont variés ! En gros, ils vont de l’éducation, l’accès aux services de santé, en passant par la formation professionnelle, les moyens de subsistance, la micro-finance, bref tout ce qui n’est pas encore devenu une évidence pour les femmes aujourd’hui. Certaines activités sont génératrices de revenus, mais pas toutes. Par exemple, des applications innovantes luttent contre la violence faite aux femmes en France, font la promotion de la formation professionnelle des jeunes femmes des bidonvilles des Philippines, ou facilitent l’accès au paiement par mobile dans les zones tribales du Pakistan. C’est ce qu’on appelle le girls’ and women’s empowerment, une idée chère à Hillary Clinton.
Comment vous financez-vous ?
Au départ, nous avons eu de la chance en obtenant le soutien de grandes entreprises. C’est la preuve qu’elles reconnaissent le besoin d’avoir des femmes dans le secteur des nouvelles technologies, et qu’elles sont prêtes à investir. Ces grandes entreprises ont bien compris les opportunités économiques de la formation et de l’emploi des femmes. W4 prend une commission sur leurs dons, mais pas sur ceux des particuliers.
Quelles sont vos plus belles réussites ?
Ce dont je suis le plus fière, c’est de voir comment notre mission peut briser le cycle de la pauvreté et des violences faites aux femmes en les faisant entrer sur le marché du travail. Mais cela ne suffit pas et nous continuons à promouvoir des projets d’entrepreneuriat social pour les femmes en nous basant sur la triple bottom line, c’est-à-dire l’impact productif économique, social et environnemental. Pour 5 euros minimum, vous pouvez par exemple financer les projets d’entrepreneuriat de femmes soudanaises, former de jeunes Roumaines à l’informatique, etc.
À quelles difficultés vous heurtez-vous ?
Les cadres juridiques dans lesquels nous intervenons bougent plus lentement que nous le voudrions, surtout par rapport à la vitesse de l’innovation numérique. C’est une difficulté que nous contournons avec des modèles économiques hybrides, comme l’entreprise sociale que nous sommes en train de créer en parallèle de W4. On nous dit que nous faisons de l’humanitaire 2.0, mais en réalité c’est plutôt 4.0, puisqu’on est W4 ! C’est plus qu’un jeu de mot : dans l’histoire des droits des femmes, la technologie est la quatrième révolution.
Promouvoir les femmes, est-ce intéressant pour le développement économique ?
Bien sûr ! Et ce n’est pas moi qui le dis, mais une étude récente du McKinsey Global Institute, The power of Parity. D’après cette étude, l’ouverture du marché du travail aux femmes et l’amélioration de l’égalité hommes-femmes peuvent booster la croissance économique mondiale de 12 000 milliards de dollars d’ici 2025. Et ce, dans tous les secteurs d’activités, public, privé ou associatif. La question de l’inégalité n’est pas seulement une question morale, mais bien un véritable défi économique. Si les femmes, c’est-à-dire la moitié de la population mondiale, ne donnent pas tout leur potentiel économique, c’est l’économie dans son entier qui en pâtit. Il faut donc investir dans les femmes, à tous les niveaux !
Est-ce un message qui passe bien aujourd’hui ?
Pas assez ! D’après le Forum économique mondial, si l’on s’en tient aux tendances actuelles, la parité économique serait atteinte en 2186. C’est trop long ! Et l’année 2016 n’a pas vu de progrès majeur par rapport à 2015. Nous voulons donc multiplier les vraies initiatives, les actions concrètes à tous les niveaux.
Le site de W4
The Power of parity. How advancing women’s equality can add $12 trillion to global growth
Propos recueillis par Pascal de Rauglaudre