Corporate Activisme : quand le patron devient militant
Face aux revendications de plus en plus pressantes de la société civile, les entreprises risquent de n’avoir pas d’autres choix que de devenir elles-mêmes des militantes des causes sociétales et environnementales, écrit Alexandra Palt dans son dernier livre, Corporate Activisme.
L’entreprise de demain ? Elle devra revendiquer des valeurs crédibles et cohérentes avec son identité. Si elle ne le fait pas, elle sera interpellée de façon toujours plus virulente par les nouveaux citoyens consommateurs, de plus en plus inflexibles sur l’empreinte écologique et sociale des marques.
Ces interpellations risquent bien de bouleverser la stratégie et l’organisation même de l’entreprise si celle-ci ne se transforme pas elle-même en activiste. Telle est la thèse du nouveau livre d’Alexandra Palt, directrice générale de la Responsabilité sociétale et environnementale du groupe L’Oréal ainsi que de la Fondation L’Oréal, et rompue au militantisme des droits de l’homme après un début de carrière dans le milieu des ONGs.
Les mouvements de revendication et de protestation sociétales et environnementales, comme #MeToo ou Extinction Rebellion, prennent de l’ampleur. Ils visent les entreprises qui ne se sont pas suffisamment positionnées sur le racisme, le sexisme, l’environnement ou la laïcité, et la pression qu’ils exercent sur elles devient de plus en plus forte. Encouragés par la chambre d’écho des réseaux sociaux, ils finissent par former « un corps social hyper-émotionnel, hyperconnecté, hypersensibilisé au genre et au vivant, et hyper-engagé pour un avenir commun ».
Une étude réalisée par Edelman en 2018 montrait que 65 % des clients choisissent ou boycottent une marque en fonction de ses prises de position sociétales. Trois ans après, non seulement ces mouvements n’ont pas faibli, malgré la crise du Covid-19, mais ils annoncent une métamorphose profonde du capitalisme.
Le chef d’entreprise comme activiste
Les entreprises mettent certes en place des politiques de diversité, d’égalité et de responsabilité sociétale ou de développement durable, qu’elles enrobent dans de belles campagnes de communication, mais cela ne suffit plus aujourd’hui. Elles doivent pratiquer le Corporate Activisme, selon le titre du livre d’Alexandra Palt, qui signifie que les entreprises prennent fortement position, ne vivent plus hors sol et intègrent la RSE « au cœur de leur vision et de leurs opérations ».
Au lieu de considérer la RSE au mieux comme un accessoire, en imaginant succomber à une mode passagère, les entreprises doivent se poser les bonnes questions, de façon positive : « Comment contribuer positivement au monde et générer une croissance inclusive ? » Le chef d’entreprise se transforme alors en activiste, avec pour mission de mener une « révolution constructive » en dialoguant avec toutes les familles de pensée, y compris les plus radicales. Le Corporate Activisme est le prix à payer par l’entreprise pour sa survie et sa prospérité.
À travers cet ouvrage dense et percutant, Alexandra Palt fait des propositions stimulantes en puisant dans sa riche expérience personnelle pour aider les entreprises à s’adapter aux bouleversements qui s’annoncent. Sans jamais céder aux discours managériaux moralisateurs, son livre se veut un véritable guide de survie des entreprises au 21e siècle.
Corporate Activisme, d’Alexandra Palt, Éditions Télémaque, 2021, 160 p.
Pascal de Rauglaudre