Comment les fondations actionnaires peuvent protéger les entreprises
Un rapport remis en avril au ministère de l'économie et des finances préconise de simplifier la cession d’actions à des fondations actionnaires, un type de gouvernance assez répandu en Europe du Nord qui constituerait un très bon outil de politique industrielle. S’appuyant sur les recommandations du cabinet conseil Prophil, le rapport propose de revoir la structure juridique des fondations, mais aussi de modifier le droit successoral. Une question politiquement très sensible.
Les entreprises françaises vivent sous la menace constante d’OPA hostiles. Leur protection est devenue un enjeu économique majeur : comment éviter que les fleurons de l’économie française ne tombent entre les mains de leurs concurrentes étrangères ? Une solution existe : la fondation actionnaire, qui pourrait s’avérer un très bon outil de politique industrielle, en ces temps de patriotisme économique.
Les pays d’Europe du Nord sont friands de ce modèle : le Danemark en compte 1350 (54 % de la capitalisation boursière de Copenhague sont détenus par les fondations actionnaires), l’Allemagne un bon millier (Bosch, Bertelsmann), autant qu’en Suède (Ericsson, Electrolux, Saab).
Un rapport sur le sujet a été remis à la mi-avril au ministère des Finances par l’Inspection générale des finances (IGF). Il s’appuie sur les recommandations du cabinet conseil Prophil, dirigé par Virginie Seghers et Geneviève Ferone.
Un capital d’entreprise stabilisé
La fondation actionnaire, c’est un modèle de gouvernance qui permet à une fondation à but non lucratif d’être propriétaire d’une entreprise, avec une double mission économique et philanthropique.
Avantages : elle garantit la stabilité du capital de l’entreprise et permet aux entreprises d’échapper à la dictature du court terme. « La fondation actionnaire est une structure d’intérêt général qui ne peut être rachetée, explique Virginie Seghers. L’entreprise est donc protégée contre les rachats, ce qui permet aux dirigeants de ne plus se poser la question de la transmission qui les taraude à partir d’un certain âge. »
Les titres apportés à la fondation sont inaliénables, ce qui évite la dispersion du capital, notamment dans le cas d’entreprises familiales dont le capital est partagé entre plusieurs héritiers.
La fondation actionnaire protège aussi l’entreprise contre les offres publiques d’achat. Les profits générés sont réinvestis ou affectés à des causes d’intérêt général. Enfin, les valeurs des fondateurs sont préservées.
Malgré tous ces avantages, et bien qu’une loi sur le sujet ait été votée en 2005, le modèle reste très peu répandu en France. On ne compte à ce jour que quatre fondations propriétaires d’entreprise : les laboratoires pharmaceutiques Pierre Fabre, le groupe d’agroalimentaire Avril (huiles Lesieur et Puget, œufs Matines), l’Institut Mérieux et le groupe Varenne (groupe de presse La Montagne).
Assouplir la réglementation actuelle
Une explication à ce retard serait un cadre juridique trop contraignant. Le cabinet Prophil a fait plusieurs propositions pour assouplir la réglementation actuelle et faciliter la détention majoritaire d’entreprises par des fondations. « En France, la vision de l’intérêt général est trop restrictive, elle ne peut être de nature économique, regrette Virginie Seghers. Préserver les oiseaux est d’intérêt général, mais pas la filière bio ! Or, maintenir le capital en France relève, selon nous, de l’intérêt général. C’est justement à la convergence de ces secteurs qu’il y a le plus d’attentes de la part des entrepreneurs. »
Parmi ces mesures, une structure juridique plus simple aurait pour seul objet de détenir la majorité d’une entreprise et d’exercer ses droits de vote. Ce qui n’empêcherait pas de coter en bourse une minorité du capital.
Une autre proposition est plus délicate à mettre en œuvre car elle implique de modifier le droit des successions. Elle vise à limiter à 30 % la réserve héréditaire, c’est-à-dire la part de la succession réservée par la loi à certains héritiers, en particulier les enfants. Avantage : ne pas octroyer une minorité de blocage aux héritiers et donc sécuriser la gouvernance de l’entreprise.
Reste à trouver le Parlement qui se risquera à adopter une telle mesure…
Pour en savoir plus
www.fondations-actionnaires.eu
Texte Pascal de Rauglaudre