Comment booster la mixité dans l’entrepreneuriat
L’entrepreneuriat féminin ? C’est un potentiel immense qui reste à exploiter, selon Claire Saddy, la nouvelle présidente du réseau d’incubateur Les Pionnières.
679 sociétés créées, 1954 entrepreneuses accompagnées, près de 2000 emplois directs créés : c’est un beau bilan que le réseau d’incubateur Les Pionnières peut afficher. Claire Saddy, sa présidente depuis juillet 2016, décrypte sa politique en faveur de l’entrepreneuriat féminin.
Entrepreneurs d’avenir – En quoi consiste le réseau des Pionnières ?
Claire Saddy – Tout a commencé il y a 11 ans avec l’incubateur Paris-Pionnières, qui a ensuite essaimé sur tout le territoire français, jusqu’à Bruxelles, Luxembourg et même la Guyane et la Martinique. La fédération compte aujourd’hui 18 incubateurs, et le 22 février, nous en ouvrons un à Toulouse. Notre objectif : booster la mixité dans l’entrepreneuriat sur des projets à haut potentiel. Nous sommes particulièrement intéressées par l’innovation sociétale qui attire beaucoup les femmes.
Comment sélectionnez-vous les projets qui intègrent l’incubateur ?
Le projet doit être porté par une équipe féminine ou au minimum mixte. Il doit aussi présenter un caractère d’innovation et être créateur d’emploi. Nous accompagnons les créatrices de façon très personnalisée tout au long de leur projet. Nous les testons psychologiquement, et nous sommes aussi incubateurs de créativité pour booster leurs idées. La phase d’émergence peut durer six mois, et elle se termine par un point qu’on appelle Go-Nogo, soit « j’y vais ou pas ». Celles qui franchissent cette étape entrent en pré-incubation, c’est un schéma classique des incubations.
Selon vous, quels sont les freins qui bloquent l’entrepreneuriat féminin ?
Ils sont connus. Les qualités requises pour être entrepreneur sont les mêmes pour les femmes et pour les hommes, mais les femmes ont plus d’appréhensions, plus d’humilité, plus de difficultés à se vendre, et pas toujours au juste prix. Elles manquent de culture entrepreneuriale et de confiance en elles. Moi-même, j’ai créé ma boîte il y a neuf ans, parce que je n’avais jamais pensé à le faire avant, tout simplement ! Autre frein : la répartition des tâches domestiques ménagères, dévolues à 80 % aux femmes. Nous avons donc créé des modules axés sur le développement de compétences spécifiquement « féminines », où nous donnons beaucoup de modèles de réussite entrepreneuriale féminine, et nous parlons de la joie d’entreprendre.
Avez-vous une politique en faveur des femmes en difficulté ?
Oui. Je veux que les Pionnières deviennent ultra inclusives et accompagnent les femmes sur tout le territoire français, quel que soit leur lieu d’habitation. Nous faisons aussi la promotion de la mixité territoriale pour montrer à quel point les régions sont créatrices d’emploi. Tout ne se passe pas seulement à Paris ! Nous allons bientôt mettre en service un outil d’accompagnement à distance, destiné aux femmes qui habitent trop loin des incubateurs. Enfin, nous allons signer un partenariat avec Handicap International pour aider les femmes en situation de handicap.
Finalement, la liberté des entrepreneuses ne se paie-t-elle pas d’un prix très élevé ?
Je ne crois pas, parce que les femmes qui se lancent réagencent leur vie. Voyez Laëtitia Nourissat, la fondatrice de Decidento, un site de veille d’informations économiques pointues dédié aux entreprises. Elle est seule à gérer sa boîte, tout en étant enceinte de son quatrième enfant ! Elle a recruté sept personnes et vient de remporter le Prix La Tribune Jeune Entrepreneur 2017. Elle a réorganisé sa vie, elle est zen et on la sent épanouie. Pour les enfants, il vaut mieux avoir une maman heureuse qui leur offre du temps de qualité, qu’une maman déprimée parce qu’elle a sacrifié à la pression sociale.
Pour en savoir plus
Le site des Pionnières
Texte Pascal de Rauglaudre