Château Trapaud : un domaine viticole au défi du bio

Convertir un vignoble au bio, c’est gratifiant mais pas sans risques, explique Béatrice Larribière, gérante du domaine Château Trapaud, au cœur de l’appellation Saint-Emilion.



Produire un Saint-Emilion en agriculture bio, c’est un pari qu’a voulu relever Béatrice Larribière, gérante du domaine familial Château Trapaud depuis 1997. « Nous sommes certifiés agriculture biologique depuis le millésime 2012, explique-t-elle. Je travaillais beaucoup dans les vignes, et je commençais à avoir quelques problèmes de peau, la démarche bio s’est donc imposée comme une évidence. »

Exception dans l’appellation Saint-Emilion Grand Cru, le domaine de Château Trapaud est d’un seul tenant : toutes les parcelles sont rassemblées sur une quinzaine d’hectares autour de la propriété. « Même si nous n’avons pas un gros parcellaire autour de nous, le bio à 100 % peut être difficile à tenir, poursuit Béatrice Larribière. Certaines parcelles sont limitrophes avec celles de vignerons bio et conventionnel, il y a donc forcément quelques risques de contamination à cause du vent. »

Avant d’apposer le label bio sur les bouteilles, la législation impose un délai de 3 ans. « Ce délai, qui a couru à partir de 2009, quand nous avons commencé à respecter le cahier des charges, nous a permis de nous assurer que c’était vraiment ce qui nous convenait. Le vignoble a été contrôlé une fois par an, et à partir de la 4e année, quand tout était en règle, on a eu le droit d’utiliser le logo des vins bio. »


Fragilité de la vigne bio

Mais cultiver en bio présente des risques : « La vigne devient plus fragile, et depuis que nous sommes passés en bio, nous avons perdu 20 %, explique Béatrice Larribière. Les intrants pour protéger le vignoble ne sont que des produits de contact, ils se déposent sur la feuille et sur le fruit, et ne circulent pas par la sève. C’est comme si on travaillait la vigne sans lui donner d’antibiotiques. »

La culture bio implique donc de travailler avec la météo : là où le vigneron conventionnel traite régulièrement la vigne quel que soit le temps, le vigneron bio ne s’en occupe pas quand il fait beau, il fait en sorte qu’elle soit plus autonome et se renforce elle-même. Si la sensibilité au mildiou est plus forte, le vigneron en bio utilise principalement la bouillie bordelaise. Mais s’il pleut, tout est lessivé et il faut recommencer. Et une fois que le champignon est là, il n’y a pas de produit curatif de synthèse.

Les premières années génèrent donc un peu de stress : « Heureusement, il a fait très beau l’année où on s’est lancé dans le bio. Ça nous a donné de l’expérience pour les années pluvieuses, même s’il reste toujours une part d’aléatoire. Et puis on s’est rendu compte que les vignerons en conventionnel étaient parfois plus touchés que nous. »


Un vignoble d’innovations

Château Trapaud se veut aussi un vignoble ouvert à l’expérimentation et à l’innovation, même si les cahiers des charges du label bio et de l’appellation ne laissent pas beaucoup de marges de manœuvre. « On ne peut pas innover au niveau des cépages, regrette Béatrice Larribière, mais dans ce qu’on peut donner à la plante et au vignoble pour stimuler son auto-défense. Nous essayons d’utiliser des coquilles d’huîtres et du compost de champignon, des plantes, des tisanes, des purins et des macérats, pour redynamiser le sol le plus naturellement possible, en activant la vie microbienne. Il faut maintenir un vignoble en bon état puisqu’il est planté pour au moins une génération. L’innovation en culture bio, ça consiste beaucoup à redécouvrir des techniques anciennes, qui existaient avant la généralisation des produits phytopharmaceutiques, il y a 50-60 ans. »

Les vendanges de l’année 2016, elles, s’annoncent plutôt bien : « Le temps est très clément cette année, mais tant que le raisin n’est pas ramassé, tant qu’il n’est pas dans la cuve, je considère que ce n’est pas gagné ! » Chaque année, Château Trapaud produit plus de 80 000 bouteilles, dont 75 % sont écoulées en France, dans les foires et salons et en vente directe sur le domaine, le reste à l’export, via les places de négoce bordelaises. Et pour diversifier ses revenus, le château fait aussi un peu d’œnotourisme.

CHATEAU TRAPAUD

Texte Pascal de Rauglaudre

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