Benjamin De Molliens : L’aventurier éco-responsable
Connaissez-vous la "Diagonale du Fou" ? Non? Et bien venez en apprendre un peu plus sur des aventures sportives hors du commun à travers l'interview de Benjamin De Molliens, et ses ambitions entrepreneuriales avec Expédition Zéro.
Entrepreneurs d’avenir : Benjamin de Molliens, vous êtes à l’initiative d’Expedition Zero, qui promeut depuis 2020 des aventures sportives itinérantes et des défis citoyens respectueux de l’environnement. Comment est né ce projet et quelles ont été vos principales motivations pour le lancer ?
Benjamin de Molliens : J’ai lancé Expedition Zero en mai 2020 suite au 1er confinement avec 1 premier voyage à vélo de la Bretagne à la Normandie pour aller retrouver ma copine qui était dé-confinée à 600km de là. Après avoir travaillé plusieurs années dans la Silicon Valley, j’ai eu un 1er déclic écologique sur la pollution plastique en 2018 en apprenant que 20 tonnes de déchets se déversent chaque minute dans l’océan. J’ai passé 4 ans dans la lutte contre cette pollution avec le projet Plastic Odyssey que j’ai cofondé. En 2019, j’ai quitté le navire et avec le confinement, j’ai réalisé qu’en parallèle de cet engagement, ma façon de voyager était peu en accord avec mes valeurs et ma prise de conscience progressive sur le changement climatique. Je voyageais partout dans le monde, tout le temps, j’étais un vrai consommateur de nature et d’aventure. J’ai donc décidé de redéfinir mon code civil du voyage en respectant 3 règles, ou plutôt 3 zéro : produire zéro déchet, zéro empreinte carbone et zéro matériel neuf. L’idée n’est pas d’être un Super Zéro mais d’essayer et d’utiliser les émotions que génère le voyage, et l’émerveillement que procure l’aventure en pleine nature, pour sensibiliser le plus grand nombre à la protection de l’environnement. Surtout pour montrer que l’on peut kiffer et se dépayser sans pour autant polluer. Au fond, je voulais surtout convaincre mes proches et mes amis de changer leur façon de voyager. Pas en pointant leur comportement du doigt (j’ai essayé et ça n’a pas du tout marché, ça m’a valu de me fait virer du groupe whatsapp familial 😅), mais en commençant par moi, humblement et imparfaitement. Je rêve avec ce projet de contribuer modestement à changer notre imaginaire du voyage, plus largement changer notre définition du succès et du progrès.
Les aventures sportives que vous entreprenez suivent des principes stricts de durabilité, avec zéro émission carbone, zéro déchet et zéro matériel neuf. Pouvez-vous nous en dire plus sur les défis que cela implique et sur les solutions que vous avez trouvées pour les surmonter ?
Ce sont de petits gestes qui ne changent pas le monde, mais qui permettent d’avoir un support, des situations concrètes pour parler des solutions à des grands défis environnementaux comme la pollution plastique, le changement climatique, la surconsommation, etc.
• Limiter empreinte carbone = je choisis des aventures, soit qui partent de chez moi, soit accessibles par des moyens de transport peu carbonés comme le train, sinon le bus ou le covoiturage. L’autre gros levier de réduction de son empreinte carbone à l’échelle individuelle étant l’alimentation, mes repas sont végétariens. Enfin, je recharge mes équipements électroniques avec des petits panneaux solaires.
• Zéro matériel neuf = j’essaye de m’équiper soit avec du matériel seconde-main/reconditionnés (Recyclerie sportive, Décathlon Occasion, Vinted, Leboncoin, Campsider, Barooders, Everide…), soit en location (Décathlon location), soit en prêt/troc, soit en récupérant des invendus, des prototypes, etc. Acheter seconde-main permet par exemple de diviser par 5/6 le poids carbone d’un achat par rapport à du neuf.
• Limiter mes déchets = acheter en vrac (je prends mes petits sacs en tissu), refuser les emballages dans les boulangeries, les fromageries, etc. Cela m’arrive aussi de me nourrir de plantes sauvages comme en montagne avec les chénopodes bon-henri, des épinards sauvages qui poussent dans les sols azotés. Ce Zéro est un défi du quotidien en aventure alors que les deux autres se jouent surtout en amont et aval du voyage.
Pouvez-vous nous parler d’une expérience particulièrement marquante que vous avez vécue lors de l’une de vos aventures sportives ?
En septembre, j’ai décidé de traverser en courant et en diagonale le parc national des Écrins dans les Alpes du Sud depuis la gare d’Embruns jusqu’à celle de Jarrie-Vizille. Un défi de 206km et 13500m de dénivelé positif que j’ai réalisé en 4 jours en autonomie. C’était incroyable, unique, magique ! J’ai appelé ce défi ”La Diagonale du Fou” en écho à la course de trail qui se déroule chaque année sur l’île de la Réunion, la Diagonale des fous. En faisant ça, j’ai voulu proposer une alternative décarbonée à cette course mythique, mais qui malheureusement se passe à 12000km de la France, alors que la plupart des participants viennent de métropole pour passer seulement quelques jours sur l’île. Les Écrins est un terrain incroyable et aussi très technique, tout ça 3 heures en train de chez moi. Et pour l’anecdote, le parc fait à peu près la même superficie, et à la même forme que l’île de la Réunion. Mon défi s’appelle Diagonale du Fou car pour l’instant je suis tout seul haha.
Un soir vers 22 h, je courais encore à la frontale quand dans la nuit, je vois des yeux, puis j’entends des aboiements. C’était des patous, ces chiens de bergers qui protègent les troupeaux de moutons des attaques des loups et chiens errants. Le jour, je sais comment les gérer, mais la nuit c’était une première. Ils sont plus agressifs à ce moment-là, car c’est la nuit que les attaques interviennent. Je ne savais pas du tout comment faire et où ils étaient exactement, mais je sentais qu’ils se rapprochaient. J’ai fait demi-tour puis j’ai passé la nuit perché sur un caillou à dormir à même le sol en attendant le petit matin et la visibilité pour pouvoir les contourner. Petite galère, beau souvenir. J’aime ces moments d’humilité où l’humain n’est pas le plus puissant.
Avec Objective Zero, vous proposez désormais des services d’accompagnement aux entreprises (conférences, ateliers, éco-défis) pour sensibiliser les salariés aux enjeux environnementaux et les former à la sobriété écologique. Pourquoi avoir élargi votre champ d’action de cette manière et comment vos expériences de voyages et d’aventures s’intègrent à cette activité ?
Avec mes aventures et mes défis en ligne (je propose des défis sous forme d’éco-gestes comme #nettoietonkm qui était devenu viral lors du confinement) je touche les citoyens et citoyennes. Mais si on veut réussir, ou ne serait-ce qu’amorcer cette transition, il faut embarquer les deux autres strates de la société, les entreprises et les collectivités. C’est donc pour cela qu’avec Alice Isaac on a lancé l’agence Objective Zero, un programme de sensibilisation des collaborateurs à la transition, plus particulièrement à la sobriété volontaire (= à la simplicité, au retour à l’essentiel) qui, on en est persuadé, est la solution a beaucoup de nos maux sociaux et environnementaux.
On propose effectivement 3 services qui vont de l’inspiration à l’action :
• Des conférences mêlant vulgarisation des grands enjeux environnementaux, inspiration à travers du storytelling, et partage de clés de passage à l’action. Ici, on s’inspire
• Déclics, notre atelier de team building qui permet aux participants de réaliser tout ce qu’ils ont à gagner écologiquement et surtout socialement (santé, temps, argent…) à adopter la sobriété, à l’échelle individuelle et collective. Ici, on comprend
• Des défis éco-citoyens (ex : #nettoietesdata #boulotvélododo #nettoietonkm…) à relever en équipe. Ici, on passe à l’action
Mes aventures sportives servent de fil rouge à la conférence. Ainsi en s’appuyant sur mes déclics écologiques depuis mon expatriation dans la Silicon Valley et en matérialisant ces changements à travers le récit de mes aventures sportives et défis citoyens, je cherche à expliquer en quoi nous avons tout à gagner à adopter la sobriété, que ce soit pour notre bien-être ou la sauvegarde de la planète. À l’échelle individuelle, mais aussi et surtout en entreprise ou en collectivité.
Pouvez-vous nous en dire plus sur vos futurs projets ? Quelles sont vos prochaines aventures ?
Cette année, j’ai plusieurs aventures de planifiées :
– La Haute Route Chamonix-Zermatt (du 9 au 14 avril) en ski de randonnée
– La voie du ciel : Briançon-Menton en bikepacking
– Traversée de la Corse en trail-running, aller-retour depuis le continent à la voile
– La traversée en randonnée des Abruzzes en Italie à la rencontre du loup et la compréhension du succès de sa cohabitation avec l’homme là-bas
– Peut-être : La GTAM (Grande Traversée de l’Atlas Marocain) en randonnée rapide, aller-retour depuis Marseille en train
+ 1 semaine de voile avec les Glénans pour devenir chef de bord
Autres projets : développer à fond l’activité d’Objective Zero en organisant des journées de séminaires en entreprise et dans les collectivités mêlant conférence, petit défi sportif et atelier Déclics.