Hennessy : faire grandir un modèle de viticulture durable
Mathilde Boisseau, directrice Vigne et Vin pour la Maison Hennessy, partage son engagement pour une viticulture durable et l'intégration de l'agroécologie dans la production de cognac.
Entrepreneurs d’avenir : Mathilde, quel est votre rôle au sein de la Maison Hennessy ?
Mathilde Boisseau : Au sein de la Maison Hennessy, mon rôle est d’abord d’améliorer et d’expérimenter de nouvelles techniques sur deux axes clés, la viticulture durable et la qualité des vins. Dans notre domaine de la Bataille, nous cherchons à préserver la biodiversité dans le vignoble à travers l’implantation de couverts végétaux, de haies mais aussi à pratiquer une viticulture plus précise fondée sur l’expérience de terrain et l’innovation. Nous mobilisons les connaissances scientifiques pour ensuite tester de manière pragmatique des pratiques agroécologiques dont les résultats seront ensuite partagés collectivement.
Mais le véritable enjeu est de passer de la parcelle au territoire. Sur les 33 000 hectares qui nous approvisionnent en eaux-de-vie, Hennessy ne possède que 180 hectares de vignes. Sur tous ces sujets de transformation de nos pratiques agricoles, notre le défi est d’accompagner nos 1600 partenaires viticulteurs.
Pour ce faire nous avons fait les choix de l’agroécologie, de l’accompagnement et du collectif.
Il s’agit donc d’accompagner la transformation et de contribuer à la transition vers une viticulture toujours plus durable, sans aucun compromis sur la qualité des vins et des eaux de vie produites.
La Maison Hennessy est l’une des plus anciennes et des plus prestigieuses maisons de cognac au monde. Comment se distingue-t-elle dans le domaine du vin et des spiritueux ?
Au fil des siècles, ce qui caractérise la Maison Hennessy, c’est la quête sans relâche pour la qualité avec une vision à très long terme. Nous sélectionnons des eaux-de-vie aujourd’hui que nous transmettrons à la prochaine génération. À tous les niveaux, la préservation et la transmission d’un patrimoine enrichi sont un objectif. C’est notamment le cas du vignoble et des paysages charentais, patrimoines vivants sans lesquels nous ne pourrions pas produire de cognac, étant extrêmement dépendant de la nature.
Cette quête de qualité nous conduit à rester attentif au moindre détail et à toujours interroger nos pratiques à chaque étape du processus d’élaborations.
Nous veillons également à maintenir un équilibre entre modernité et tradition. Un certain nombre de nos savoir-faire est séculaire, pour autant, nous devons sans cesse nous réinventer, et faire preuve de créativité pour faire face aux défis qui nous attendent : accélération du réchauffement climatique, évolution des réglementations, attractivité des métiers et exigence de nos clients.
Vous êtes membre du Comité de Dégustation d’Hennessy, un groupe d’experts goûtant et sélectionnant, chaque jour, les meilleures eaux-de-vie. Pourriez-vous nous détailler ce processus menant à la production de cognacs d’excellence ?
C’est un travail qui s’inscrit là encore dans le temps long où la transmission est une clé de voûte de notre fonctionnement.
L’élaboration du cognac est un processus extrêmement complexe et abouti. Il fait appel à de nombreuses expertises, telles que la viticulture, l’œnologie, les savoir-faire de distillation et l’expertise du vieillissement. Ensuite, c’est le rôle du maître assembleur d’assembler ces eaux-de-vie pour en faire des cognacs d’exception avec une qualité constante depuis 260 ans.
De la culture de vigne à l’assemblage des eaux-de-vie, chaque détail compte.
Le rôle du comité de dégustation, autour du maître assembleur Renaud Fillioux de Gironde, est d’abord de sélectionner de manière très exigeante les eaux-de-vie qui constitueront le stock de la Maison, ensuite d’en évaluer le potentiel à chaque stade de son évolution au fil du temps pour les utiliser dans les assemblages à leur sommet et enfin de s’assurer de la constance de « goût » des assemblages réalisés.
Avec seulement quelques années d’expérience, je dirais que la dégustation chez Hennessy, nécessite d’abord de la passion, une grande rigueur de travail, mais aussi beaucoup d’humilité.
Vous participerez en mars 2025 à l’Université de la terre : quelles ont été vos ambitions à rejoindre ce rassemblement de l’intelligence collective ?
La transformation et la transition environnementale et agroécologique, quel que soit le domaine, est un sujet qui est d’abord collectif. Plus on a de parties prenantes autour de la table et plus on peut se rassembler pour réfléchir aux solutions de demain, mieux c’est. De près ou de loin, nous sommes tous concernés par les nouvelles pratiques agricoles, et nous pouvons faire notre part.
Quelle thématique aborderez-vous pendant cette Université de la terre ?
Le sujet abordé autour des solutions fondées sur la nature correspond tout à fait aux principes de l’agroécologie que nous adressons. Hennessy a mis en place depuis plusieurs années de nombreuses initiatives en la matière permettant d’améliorer la connaissance et d’évaluer la faisabilité de nouvelles pratiques. Nous menons également des projets collectifs sur le territoire avec une vision à long terme.
Je dévoilerai notamment le programme 1000 Palisses, “palisse” signifiant “haie” en charentais, qui réunit de nombreuses parties prenantes du territoire de Cognac, avec les collectivités locales, les agriculteurs et nos viticulteurs partenaires. Ce programme, mis en place il y a plus de deux ans, a pour objectif de replanter 1 000 km de haies en 10 ans, soient 100 km par an, et de recréer ainsi la trame verte, ces corridors de biodiversité qui jalonnent nos parcelles et notre belle région, mais aussi de contribuer à la restauration de la trame bleue. De rendre nos paysages plus arborés et plus diversifiés.
Mathilde, quel message souhaitez-vous transmettre aux générations futures ?
Le développement durable est depuis longtemps au cœur des activités de la Maison Hennessy. Et nous mettons tout en œuvre pour préserver et enrichir le patrimoine vivant dont nous avons hérité.
Nous avons une belle ambition, celle de remettre la nature au centre de nos actions ; nous l’avons intitulée “Paysages vivants”. Il s’agit de renforcer la biodiversité via les couverts végétaux, de réintroduire les haies, et ainsi obtenir des nouveaux paysages arborés, depuis Cognac et partout dans le monde, qui permettent aux acteurs de vivre de cette terre en la protégeant et en la transmettant plus belle et plus vivante.
Et pour les générations futurs mon message principal porterait sur l’action collective. Rassemblez-vous autour de ces initiatives, proposez et soyez acteur au sein même des entreprises.
Retrouvez Mathilde Boisseau à l’Université de la terre les 14 & 15 mars 2025