CNAO : faire de l’obésité une priorité de santé publique

Le Collectif National des Associations d'Obèses, CNAO, milite pour une prise en charge globale de l'obésité, en dépassant les clichés et en intégrant les aspects physiques, psychologiques et sociaux afin de repenser la prise en charge de l'obésité et de lutter contre la stigmatisation.

 

Entrepreneurs d’avenir : Quels constats vous ont poussée à créer le CNAO, et comment votre collectif agit-il pour combler les lacunes identifiées dans la prise en charge de l’obésité ?

Anne-Sophie Joly : Constats ayant mené à la création du CNAO (il y a 22 ans) :

  • Une expérience personnelle de la fondatrice, confrontée aux difficultés liées à l’obésité ;
  • Une prise de conscience issue de son travail dans la presse médicale, qui a révélé le gouffre entre le discours tenu aux médecins (scientifique, technique) et celui adressé aux patients, souvent culpabilisant (manque de volonté, gourmandise, paresse, fainéantise, incapacité intellectuelle, etc..).
  • L’absence d’un cadre clair pour la prise en charge de l’obésité. Dès sa création, le CNAO s’est attaché à élaborer des recommandations de bonnes pratiques, établissant ainsi un référentiel opposable en matière médicale.

Actions du collectif, qui déploie une stratégie en plusieurs volets :

  • Plaidoyer médiatique, visant à sensibiliser le grand public et les décideurs politiques (pour s’en servir comme d’un levier populationnelle et politique) ;
  • Actions locales, en s’appuyant sur le tissu associatif et en collaborant avec les sociétés savantes ;
  • Co-construction de politiques publiques, lorsque cela est possible ;
  • Information et sensibilisation par les médias, pour diffuser des messages clairs et inclusifs.

Vous avez mentionné que la gestion du poids ne se limite pas à la nutrition. Pourriez-vous développer comment vous intégrez la gestion des émotions et le plaisir dans le parcours des patients ? Comment abordez-vous le sujet de l’obésité dans sa globalité ?

Une approche globale de l’obésité qui résulte de multiples facteurs pouvant impacter l’alimentation selon la place qu’ils occupent :

  • Génétiques et environnementaux (jusqu’à l’âge de 20 ans en particulier) : mode de naissance (par voie basse ou césarienne, impliquant un ensemencement ou pas), alimentation (notamment allaitement ou pas), dépense énergétique, exposition aux polluants et perturbateurs endocriniens.. ;
  • Physiques, psychologiques et sociaux : traumatismes variés (agressions, deuils, hypersensibilité, abandons, séparations..), qui influencent la relation à l’alimentation.

L’alimentation peut devenir un refuge face à des souffrances émotionnelles, mélangeant plaisir, soulagement et parfois culpabilité. Comprendre si une personne mange par faim physiologique ou pour combler un vide intérieur nécessite un travail d’introspection, souvent long et accompagné.

Il est obligatoire de se nourrir pour vivre, en fonction des individus, selon les situations, l’alimentation peut prendre une forme d’antidépresseurs sans nécessairement conduire à des TCA. L’alimentation peut devenir un refuge face à des souffrances émotionnelles, mélangeant plaisir, soulagement et parfois culpabilité.

Comprendre si une personne mange par simple faim physiologique ou également pour combler un vide intérieur nécessite un travail sur soi d’introspection, souvent long avec un accompagnement. Cela demande du temps et peut durer des décennies. Il est crucial de redéfinir chez chaque individu les sources de mal-être et trouver qui est responsable, ce n’est pas forcément le patient lui-même de ce qu’il porte. En parallèle, il faut reconnaître que de nombreuses personnes en situation d’obésité sont aussi des épicuriens, adeptes des plaisirs de la vie, mais génétiquement inégaux face à la prise de poids.

La problématique de l’obésité est sous-estimée, elle nécessite pourtant une intervention à 360°. Peu de personnes connaissent et comprennent cette problématique, il en est de même à l’échelle nationale et politique pourtant l’obésité a le statut de 4e cause de mortalité dans le monde. Au sein du CNAO, la problématique est abordée comme on peut, avec ce que l’on est et les moyens dont nous disposons.

C’est un engagement de plus de 25 ans sur un sujet de santé publique national et international avec des cris d’alarmes répétés de la part de l’OMS. Au même titre que la sante de la planète « One health », ça ne préoccupe pas grand monde.

On peut faire de l’économie de marché mais il ne faut pas dissocier sécurité sanitaire et souveraineté alimentaire, l’un ne s’oppose pas à l’autre. Il faut changer les recettes avec des décisions politiques nationales et internationales fortes. La question à se poser est la suivante : est-ce que l’on est prêt à tuer sciemment nos enfants ?

 

L’obésité est souvent entourée de stigmatisation et de préjugés. Selon vous, quels outils sont efficaces pour offrir aux patients un meilleur accompagnement et pour déconstruire l’image négative de l’obésité dans l’imaginaire collectif ?

Deux axes à retenir, il faut informer et former les gens :

  • Informer la population, expliquer les causes de l’obésité, et prévenir certaines personnes qu’elles sont dans l’obésité alors qu’elles sont dans le déni total
  • Former tous les professionnels de santé (médicaux et paramédicaux), de l‘encadrement scolaire (à commencer par la petite enfance).

Il est primordial de :

  • Stopper les harcèlements via « les réseaux sociaux » ;
  • Mettre en place un encadrement juridique au dénigrement de la corpulence ;
  • De montrer plus de diversité dans tous les corps de métier à commencer par ceux des médias..
  • Sans pour autant oublier la priorité qui est la santé des individus.

Comment prendre en charge les personnes atteintes et comment faire en sorte d’éviter que d’autres le soient, d’où l’importance de la prévention et de la prise en charge de la transformation de l’agroalimentaire.

 

En tant que signataire de la charte alimentaire de l’ARCOM depuis 2010, vous avez choisi de ne pas soutenir les propositions pour 2025, les jugeant trop peu ambitieuses. Vous vous investissez désormais dans l’élaboration d’une nouvelle charte qui réponde aux enjeux actuels. Comment envisagez-vous que cette nouvelle charte puisse transformer les pratiques médiatiques et la communication autour de l’alimentation et de l’obésité ? Quelles obligations spécifiques espérez-vous qu’elle impose aux médias pour favoriser une représentation plus saine et réaliste de l’alimentation ?

Il y a eu un travail d’équipe de tous les signataires de la charte depuis cet été et en pleines vacances scolaires avec des objectifs à atteindre sur du court, moyen et long terme à commencer par se parler beaucoup plus tout au long des années.

 

Pour conclure, quelles sont vos aspirations à long terme pour le CNAO et la reconnaissance de l’obésité en tant que pathologie au sein du système de santé français ? Quels changements concrets espérez-vous voir dans les prochaines années ?

Ce que nous demandons depuis des années et qui serait pour nous, si l’on veut vraiment avancer sur une problématique qui est obésité mais plus que tout du « one health », il nous faut :

  • Un plan obésité tel le plan cancer renouvelable 10 ans basé à l’Élysée avec de la recherche fondamentale travaillant à la fois sur l’agriculture, la production et la transformation alimentaire, le marketing, la consommation et ses effets sur la santé avec tout l’aspect sociétal ;
  • Être à la fois plus respectueux et plus à l’écoute de notre planète et de notre santé. Que tout ça soit décorréler de l’empreinte et des mandats politiques des uns et des autres. Cela doit être une priorité nationale et internationale pas pour le CNAO mais pour les populations et ça va bien au-delà de l’ambition du collectif, qui ne fait que ce qu’il peut. C’est de la raison humaine gardée.

Il y a une responsabilité sociétale et politique. On ne peut pas dire qu’il ne s’est rien passé et que nous n’étions pas au courant et ce que fait le collectif c’est juste modestement de mettre des petites choses en lumière mais cela ne pourra avancer que si l’on est sur un travail d’équipe.

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