Angèle Malâtre-Lansac : l’urgence de promouvoir la santé mentale

Alors que la santé mentale est érigée comme Grande cause nationale pour l’année 2025, rencontre éclairante avec Angèle Malâtre-Lansac, déléguée Générale de l'Alliance pour la Santé mentale.

 

Entrepreneurs d’avenir : L’Alliance pour la santé mentale fédère de nombreux acteurs du champ de la santé mentale, du monde économique, du monde de la culture, de l’enseignement supérieur, de l’éducation ou encore de la recherche pour faire de la santé mentale une priorité nationale. Quels sont les acteurs que vous cherchez à mobiliser autour de cette alliance, et ce dans quelle perspective ?

Angèle Malâtre-Lansac : La santé mentale est devenue un sujet sociétal majeur dont on parle de plus en plus depuis la crise sanitaire. Il faut rappeler que chaque année, 20% de la population est touchée par un trouble psychique, soit 13 millions de personnes. Les jeunes sont tout particulièrement concernés avec un doublement des symptômes anxio-dépressifs depuis la crise Covid et une hausse inquiétante des gestes suicidaires.

Ce sujet impacte aujourd’hui toute la société : les familles, le monde du travail, la jeunesse, l’éducation, les collectivités locales, le champ de l’inclusion et du handicap… La santé mentale n’est pas qu’une question sanitaire, elle est devenue l’affaire de toutes et tous.

A ce titre, l’association Alliance pour la Santé Mentale a été créée pour mobiliser et sensibiliser différents pans de la société autour de l’importance de la santé mentale et de les impliquer dans la Grande cause nationale 2025. Elle co-anime le collectif Santé Mentale Grande cause nationale qui représente plus de 3 000 organisations, établissements et associations du champ de la santé mentale et œuvre depuis plus d’un an à faire de ce sujet la Grande cause nationale 2025 et mobilise de nombreuses expertises partout sur le territoire.

L’objectif de la Grande cause est de mieux informer la population sur la santé mentale et les troubles, prévenir leur apparition et déstigmatiser ce sujet qui reste encore largement tabou.

La santé mentale est donc érigée comme Grande cause nationale pour l’année 2025, et vous rejoignez à ce titre un groupe d’experts chargé d’accompagner et d’éclairer l’action du Gouvernement. Le Gouvernement a récemment présenté les objectifs prioritaires pour promouvoir la santé mentale : déstigmatiser, informer, prévenir et renforcer l’accès aux soins et aux solutions partout sur le territoire. Comment pensez-vous pouvoir réaliser concrètement ces objectifs ?

Le Premier ministre a souhaité inscrire cette grande cause dans une dimension à la fois interministérielle et pluriannuelle, ce dont nous pouvons nous réjouir. Il m’a nommée aux côtés de Daniel Fasquelle, maire du Touquet et président de la commission autisme de l’Association des maires de France et du Professeur Michel Lejoyeux, président de la Commission nationale de psychiatrie, pour accompagner l’action du gouvernement tout au long de cette grande cause.

L’enjeu aujourd’hui est de mettre en place les conditions d’un changement sociétal profond sur le sujet, d’identifier des mesures concrètes qui permettront de transformer la vie des personnes concernées, et de mener des campagnes d’information, de formation et de sensibilisation déclinées en fonction des publics et qui doivent prendre appui sur les dispositifs et organisations qui travaillent au quotidien sur le sujet partout sur le territoire.

A l’occasion des 20 ans de l’Université de la terre, vous interviendrez le 14 mars prochain pour discuter de l’urgence liée aux enjeux de santé mentale. Quelles sont vos attentes vis-à-vis de cette intervention et quel message espérez-vous faire passer ?

Merci de cette invitation qui me réjouit ! L’idée est de rappeler les fondamentaux sur la santé mentale : de quoi parle-t-on et pourquoi ce sujet est si important : l’information est toujours importante sur ce sujet mal connu. Mais surtout, mon objectif est de bien inscrire la santé mentale dans les sujets One Health : nous avons une seule santé qui se compose de notre santé physique et mentale et qui est le fruit d’un ensemble de déterminants : sociaux, environnementaux, génétiques, etc. Il est temps de considérer ce sujet dans sa globalité et il me semble que l’Université de la terre est un lieu propice pour porter cette vision à 360 degrés.

Les à priori sur la santé mentale sont nombreux, et ce sujet reste tabou dans de nombreux secteurs, notamment le monde de l’entreprise. Pensez-vous qu’une évolution des mentalités est possible, et comment le monde du travail pourrait-il s’emparer significativement de cet enjeu ?

Les tabous restent forts et les troubles psychiques sont encore trop souvent associés à de la faiblesse, à un manque de performance voire à la violence. Il est grand temps de briser ces stéréotypes : les personnes concernées par les troubles peuvent se rétablir, avoir une vie épanouie et travailler.

Le sujet de la santé mentale au travail est un sujet majeur et les troubles psychiques constituent la première cause d’arrêt maladie de longue durée. Le monde du travail et les employeurs sont donc impactés très directement et ont un rôle à jouer en mettant en place des actions de prévention, d’information et en agissant sur les conditions de travail. Il y a beaucoup à faire dans ce champ.

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