Marine Calmet : soyons tous des Gardiens de la Nature
En revisitant ses expériences et ses engagements, Marine Calmet, première lauréate du Prix du livre d’écologie de l’Institut Européen d’Écologie, nous révèle comment incarner le rôle de Gardien de la Nature.
Rédigé dans le cadre de l’Université de la Terre
Qu’est-ce qu’un Gardien de la Nature et quels rôles joue-t-il?
Les Gardien-nes de la Nature sont un concept que j’explore à travers mon engagement pour les droits du Vivant avec l’association Wild Legal. Notre action s’inscrit dans un mouvement mondial, qui, d’Equateur jusqu’en Australie, en passant par l’Inde et le Canada, compte de nombreuses victoires pour la défense des droits de la Nature.
Dans ce cadre, je m’intéresse à cette nouvelle mission qui consiste à dépasser notre rôle de citoyen-ne, pour endosser pleinement la responsabilité d’être les yeux, les oreilles et la voix de nos écosystèmes et nous investir dans cette mission de membre de la communauté du Vivant.
Mon livre Devenir Gardiens de la Nature est un hommage aux gardiennes et gardiens que j’ai rencontré-es en Guyane et ailleurs et qui m’ont inspiré des propositions concrètes pour transformer notre rapport aux autres, humains et non-humains.
Dans votre livre vous parlez de « désobéissance créatrice et constructive ». Comment définissez-vous cette notion et comment se concrétise-t-elle ?
Le mouvement pour les droits de la Nature est né d’un constat : notre droit est profondément et structurellement incapable de répondre à la crise écologique à laquelle nous faisons face. Il a été écrit par et pour des humains et est guidé principalement par des besoins anthropocentrés (centrés sur les besoins humains) et trop souvent au bénéfice de quelques-uns, ce qui conduit aujourd’hui à l’explosion des inégalités dans le monde et l’exploitation à outrance du Vivant.
Comme le disait Sankara « Il faut choisir entre le champagne pour quelques-uns et l’eau potable pour tous ». Ce droit qui aujourd’hui a créé une société inégalitaire et qui a ignoré les droits de la Nature, la réduisant à un ensemble de ressources exploitables, s’impose à nous. Mais nous pouvons et nous devons le remettre en question, c’est pourquoi je parle de désobéir. Car, il nous revient de proposer de nouvelles règles, un droit biomimétique, en accord avec le fonctionnement du Vivant. Une mission qui fait appel à notre créativité, à l’ingéniosité qui est en chacun de nous, pour nous engager dans la construction d’une nouvelle société.
Vous évoquez également la reconnaissance du crime d’écocide. Où en est-on en France et dans le monde dans la protection juridique du Vivant ?
Le gouvernement français a adopté à la suite de la Convention citoyenne pour le Climat un “délit d’écocide” en complet décalage avec les demandes des citoyen-nes et des associations comme Wild Legal. Nous demandions que l’écocide soit reconnu en tant que crime, l’échelle la plus grave des infractions, afin de traduire la réprobation de notre société envers les activités destructrices du Vivant qui mettent en danger l’habitabilité de nos territoires. Nous continuerons donc notre combat, pour que la définition actuelle évolue et puisse répondre aux besoins des acteurs impliqués dans la défense de nos territoires.
En attendant, notre mobilisation a fait bouger les lignes en inspirant d’autres pays. En Belgique, le Parlement a adopté en décembre 2021, la décision de s’engager pour la reconnaissance du crime d’écocide. C’est le premier état qui a officiellement pris la décision de déposer un amendement au Statut de Rome pour obtenir que la Cour pénale internationale soit à l’avenir compétente pour juger des crimes commis contre la Nature. Aujourd’hui une dizaine d’États, principalement des États insulaires touchés de plein fouet par le dérèglement climatique, se coordonnent pour soutenir cette évolution du droit international. Il en faut 82 pour modifier le Statut de Rome et nous avons donc plus que jamais besoin que des nations leaders sur la scène internationale s’engagent pour provoquer un mouvement mondial. Un défi énorme, pour lequel chacun-e peut s’engager.