Aqua, l’eau qui soigne

Vous sensibilisez le public sur des sujets de société en donnant à voir et à entendre de l’information positive. L’océan est un puissant allié dans votre nouveau film AQUA. Vous dites que les eaux de mer sont bienfaitrices, pourriez-vous nous en dire plus sur ce que cela signifie exactement ? 

Pascale d’ERM : L’eau couvre 70% de la surface de notre planète bleue, et compose de la même manière environ 70% de notre corps  et nous semblons ignorer à quel point elle est vitale à tous nos processus vitaux… Ses bienfaits sont pourtant connus depuis l’Antiquité, et les docteurs comme Hippocrate ou Galien soignaient avec l’eau de mer ! J’ai souhaité réactualiser ce lien d’interdépendance avec l’océan en matière de santé sur des bases scientifiques. L’enquête que j’ai menée pendant plus d’un an m’a conduit de la Catalogne à la Suède, mais aussi en France ou en Autriche à la rencontre des chercheurs et des praticiens de santé qui explorent des nouvelles thérapies bleues, principalement préventives. Aujourd’hui, nous disposons d’une centaine d’études internationales publiées, montrant les effets bénéfiques de l’expérience de l’eau sur les maladies de civilisation, liées aux modes de vie, comme l’anxiété, le stress, les syndromes de stress post traumatique, le bien vieillir, l’obésité ou certaines maladies auto-immunes comme la sclérose en plaques. Elles portent sur des pratiques comme le surf, le kayak, la natation ou nage en eaux libres (et froides !) ou la plongée mais aussi la marche en bord de mer. Ce corpus de recherches est appelé la Santé Bleue (ou Blue Health en anglais). Et je pense qu’il est fondamental de connaître ces recherches et d’en comprendre les applications, afin de renouer un lien émotionnel fort avec les océans, – quoi de plus précieux que la santé ?- et in fine, de parvenir à les protéger. Car dans ce domaine, les scientifiques l’avouent, nous avons échoué.

La cancérologie notamment reconnaît le rôle préventif des activités aquatiques. Quels sont les effets des sports nautiques (Bains, Nage, Plongée, Surf, Paddle, Kitesurf, Wingsurf, Handisurf, etc…) ?

Ce domaine fait l’objet de recherches menées actuellement en Catalogne par exemple, comme je le montre dans le film et le livre, en collaboration avec la chaire Océans et Santé humaine de l’Université de Gérone dirigée par Josep Lloret, l’institut d’oncologie catalan et des docteurs généralistes. L’étude compare l’effet de trois sports : marche en bord de mer, natation et snorkling sur la santé physiologique et mentale de personnes en rémission de cancers. Elle est actuellement en cours et nous attendons la publication des résultats, mais d’ores et déjà, les médecins constatent le formidable espoir apporté par la pratique des sports de mer sur la santé mentale, et la vigueur des participants. Ils constatent aussi que la mer est un liant émotionnel fort, et que les personnes qui ont traversé ces épreuves de vie attachent de l’importance à participer à l’étude ensemble : ils vont mieux quand ils savent que la santé des autres collègues va mieux aussi, ils sont solidaires. Par ailleurs, certains me disaient que sans cette étude, ils n’iraient pas pratiquer de sport de bord de mer, – alors que l’on sait que le sport est préventif contre des maladies – par manque de temps. Nager, faire du snorkling, et marcher en bord de mer fait pourtant partie de la qualité de vie à laquelle ces populations littorales aspirent. C’est aussi cela que les chercheurs veulent établir, avec la prise en compte de la biodiversité.

Avez-vous une idée du nombre de personnes que les océans sauvent ? Comment mesure t’on cela ?

Non… Je n’ai pas ce chiffre. Comme nous nous situons résolument dans le domaine de la prévention, cela risque d’être difficile à établir. Mais les études sur le montant des économies réalisées grâce à ces thérapies bleues commencent à sortir. Le chercheur Mathew White et ses équipes ont par exemple évalué à 176 millions de pounds le montant économisé en Grande Bretagne grâce à la fréquentation de l’océan, des lacs et rivières.

Quelles pourraient être les innovations demain en lien avec les océans et la santé humaine ? 

L’eau, fontaine de jouvence, n’est-elle pas la clé de notre équilibre notre trésor le plus précieux un bien commun de l’humanité… Si, vous avez bien noté la dernière phrase du film … Elles sont multiples, complexes et urgentes. Multiples car on peut imaginer des technologies renforcées pour traquer le relargage des hydrocarbures, ou récupérer les plastiques qui s’accumulent en mer, en commençant par filtrer le flux des rivières, comme cela commence à être tenté. Complexes, sur un plan juridique par exemple, je crois que certaines rivières, littoraux, et des mers, mériteraient un statut légal de protection écocidaire (contre le crime d’écocide), afin que ces milieux soient protégés pour les générations futures contre des multinationales qui ne respectent pas les réglementations existantes. Urgentes car l’eau est un bien commun de l’humanité, de sa santé dépend la nôtre, il est urgent d’en prendre conscience, et de mettre absolument tous les moyens pour la protéger. L’eau est magique, il est temps de retomber amoureux de l’eau !