CoopVenture, un fonds unique en son genre en France

Ce fonds vise à aider les start-up qui veulent se développer durablement, localement, autrement. Cette initiative représente une alternative pérenne et solidaire pour les acteurs de la tech qui souhaitent se diriger vers une croissance durable sans devoir revendre leur entreprise à moyen terme. Entretien avec Laurence Ruffin, PDG d'Alma.

 

Entrepreneurs d’avenir : Vous dirigez vous-même Alma, structure coopérative et participez au lancement d’un fonds d’investissement dans l’innovation et le numérique. Quelle est l’ambition de ce fonds ?

Laurence Ruffin : Jusqu’à présent, les start-ups n’arrivaient à se financer que par du capital-risque, ce qui rend leur revente pratiquement incontournable. Pourtant, nombreux sont les entrepreneurs qui rêveraient d’entreprendre dans le numérique autrement et ne pas avoir à revendre leurs entreprises à court terme, ni en perdre le contrôle.

C’est en partant de ce constat que la société d’investissement CoopVenture a été créée grâce à un partenariat inédit entre le Mouvement Scop, la French Tech in the Alps-Grenoble et Alma, avec pour objet exclusif de proposer une alternative aux fonds d’investissement classiques. En restant attachées au territoire qui les aura vu naître et se développer, les entreprises financées par Coopventure maintiendront localement la valeur créée et le potentiel d’emploi qui l’accompagne.
Ainsi sont bien sûr éligibles à CoopVenture les coopératives (Scop ou Scic), mais pas seulement : toute entreprise dite « éthique » qui partage et applique au quotidien les valeurs coopératives (gouvernance assurée par les salariés, volonté de développer l’emploi sur le territoire, partage de la valeur etc.) l’est aussi. L’accélérateur associé à la société d’investissement s’assure du respect de ces principes en les inscrivant dans le pacte d’associés, en plus d’offrir aux porteurs de projet un accompagnement pour maturer l’ensemble des points de développement d’une jeune entreprise numérique.
Et si être une « entreprise à impact » n’est pas un critère d’éligibilité, nous pensons que CoopVenture devrait attirer les entrepreneurs du numérique soucieux de relever les défis sociaux et écologiques de manière responsable.

Quelle est la spécificité et le fonctionnement d’un fonds d’investissement de cette nature ?

CoopVenture intervient en fonds propres sur des montants de 150 K€ à 300 K€ par projet sur des durées longues. Après 3 à 5 ans de développement, les sociétés réalimenteront le fonds au rythme que permettra leur croissance : à hauteur de 2 à 4 fois les sommes qu’elles auront reçues sur une période de 7 à 10 ans. Les plus florissantes le feront plus vite, les autres pourront prendre plus de temps.
L’originalité tient à ce que la start-up ne rachètera pas ses propres actions, ce qui pénaliserait le bilan ou la capacité d’investissement de l’entreprise, mais des actions de la société qui l’a financée. La start-up deviendra alors actionnaire de son propre fonds et contribuera ainsi à le pérenniser.
Il s’agit donc d’une société de financement patiente pour un développement solidaire et pérenne.

Pour leur permettre d’atteindre ce développement, CoopVenture Investissement est couplé à un accélérateur. Il a pour mission d’accompagner l’entreprise et ses opérationnels avant et après l’intervention en investissement. Il offrira également des formations répondant aux besoins de la start-up pour en assurer sa pérennité.

Comment voulez-vous développer ce type de financement à impact ? Quel horizon ?

CoopVenture est financé par plusieurs associés investisseurs : Socoden (holding financière de la CG Scop), le Crédit Coopératif, les Scop Alma, groupe Up et IDEA Groupe ainsi que les deux collectivités territoriales Grenoble Alpes-Métropole et la Communauté de communes du Grésivaudan.

La phase pilote de CoopVenture est amorcée depuis février 2021 avec une dotation de 4,425 millions d’euros dédiée à 80 % à la région Auvergne-Rhône-Alpes, terreau de l’industrie du numérique. Cette dotation permettra déjà de financer une quinzaine de sociétés de croissance durable du numérique, sur un investissement qui s’étalera sur 30 à 36 mois.

Croyez-vous à un marché plus ambitieux avec des investissements plus élevés ?

Il ne fait aucun de doute qu’il y a un besoin : nous avons déjà reçu 61 dossiers en 4 mois !

Mais nous souhaitons valider l’expérimentation avant d’aller plus loin. D’ici à fin 2022, CoopVenture souhaite se doter d’un montant de 16 millions d’euros et couvrir l’ensemble du territoire français.

Et à moyen terme, nous pourrions être encore plus ambitieux car l’aspiration des entrepreneurs – et plus largement des français – est forte de faire un virage vers une économie citoyenne : une économie qui partagerait les décisions et la valeur créée, qui veillerait à l’épanouissement des équipes et qui contribuerait à relever nos grands enjeux, sociaux et environnementaux.

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