Bienvenue dans un monde positif
« D’une manière douce, nous pouvons secouer le monde » nous suggérait Gandhi. C’est ce que le dernier livre de Christophe Chenebault nous rappelle avec une galerie d'expériences positives dans le monde. Il est grand temps de prendre au sérieux les bonnes nouvelles !
Entrepreneurs d’avenir : Pourquoi est-il important selon vous de communiquer sur les enjeux écologiques ? Quel est le but et l’utilité que peut apporter votre livre aux lecteurs ?
Christophe Chenebault : Notre civilisation a besoin d’un nouveau « système d’exploitation » dont le socle soit solidaire, écologique et démocratique. L’écologie, elle, a fait ces dernières années son chemin dans les consciences, et, grâce au travail de nombreux lanceurs d’alerte précurseurs, est maintenant un fait accepté. Pour autant, c’est une chose de dire « un autre monde est possible », c’en est une autre de le mettre en pratique. Voilà pourquoi il reste important d’informer encore et encore sur l’écologie, de montrer de nouveaux chemins désirables, de convaincre que c’est possible ici et maintenant. « L’avenir, tu n’as pas à le prévoir, mais à le permettre » disait Antoine de Saint-Exupéry. D’où l’idée de se concentrer sur ce qui nous inspire et ce que nous pouvons effectivement faire, plutôt que ce qui ne va pas. Et des inspirations, il en existe maintenant partout sur la planète ! Elles sont d’ailleurs déjà à l’oeuvre et forment, à mon sens, une révolution douce et silencieuse.
Le livre « Bienvenue dans un monde positif », lequel rassemble 100 initiatives fortes qu’il serait bon de reproduire dans tous les pays, se veut un condensé d’espoir. Et, en ces temps où les crises s’accumulent, l’espoir est devenu essentiel. Malheureusement nous vivons dans un océan d’informations négatives, nos médias sont anxiogènes et ne savent plus ce qu’est une bonne nouvelle. D’où l’importance d’enfin écouter le murmure de la forêt qui pousse, plutôt que le bruit de l’arbre qui tombe.
Ce livre est en effet une sorte d’intelligence collective et positive à l’échelle de la planète. Il raconte notamment comment le Bhoutan vit au rythme du Bonheur national brut, comment l’Irlande a créé des assemblées citoyennes pionnières, comment le Sikkim en Inde est devenu le premier Etat à passer intégralement en agriculture biologique, comment le Pays de Galles a nommé pour la première fois au monde une Commissaire aux générations futures, comment la Nouvelle Zélande reconnaît les animaux comme des êtres sensibles, comment la Finlande a mis en place un plan pour sortir tous les sdf de la rue, ou encore comment le Costa Rica produit 100% de son électricité à partir d’énergies renouvelables.
Le « monde d’après » est en effet déjà là… et ce livre nous permet d’élargir le champ de nos imaginaires. Car il nous faut dès maintenant imaginer une autre manière d’habiter la Terre. Il nous faut écrire un nouveau récit sur le futur qu’il est encore possible de créer. Le temps est ainsi venu de dresser la liste de ce qui doit croître et de ce qui doit décroître. C’est ainsi faire le choix de ce que j’appellerais « l’éco-humanisme positif ». Ce futur est en fait déjà en marche, et la bonne nouvelle est qu’on n’arrête pas le futur…
Quelles sont les grandes thématiques qui vous tiennent à cœur et que vous avez développées ?
Ce livre est un tour du monde des initiatives les plus inspirantes. Il aborde les thèmes de la nature, de la démocratie, du bien-être, de l’alimentation, de l’éducation, des animaux, de l’énergie, de l’environnement, de la culture, des entreprises, du transport, de la solidarité et de la société. C’est donc un panorama assez complet des sujets sociétaux qui me tiennent à coeur. Et d’ailleurs si l’ensemble de ces actions présentes dans le livre étaient menées en France, nous verrions certainement émerger une nouvelle société.
En 2019, l’Observatoire société et consommation a réalisé une étude sur « les nouvelles utopies françaises ». L’utopie écologique a recueilli 55% des suffrages, l’utopie sécuritaire 30% et l’utopie techno-libérale 15%. Cela nous montre bien que les Français sont prêts pour l’écologie et l’imaginaire qu’il véhicule. Ce qui est une authentique bonne nouvelle.
Et des bonnes nouvelles, ce livre n’en manque pas… Car des collectifs, des gouvernements, des organisations, des citoyens nous interpellent, inventent une nouvelle société et créent un nouveau patrimoine commun de l’humanité. Trop souvent, ces initiatives s’avèrent être des « signaux faibles », peu visibles aux yeux du plus grand nombre. Car les médias, pour lesquels « good news is no news », peinent encore à mettre en avant comme elles le mériteraient ces graines de changement. Pour autant, « D’une manière douce, nous pouvons secouer le monde », nous rappelle très justement Gandhi. Toute nouvelle initiative qui voit le jour peut ainsi devenir un émerveillement et une inspiration pour chacun de nous. Grâce à l’émergence d’une conscience universelle, l’histoire de demain se construit ainsi déjà aujourd’hui et partout dans le monde.
Est-ce que certaines des 100 histoires que vous contez sont liées à la jeunesse si oui, quelles sont-elles ?
Les jeunes recevront en héritage notre planète, nos réussites et nos échecs. Ce livre nous conte quelques-unes de ces réussites. Ainsi au Danemark des cours d’empathie ont été rendus obligatoires chaque semaine à l’école, les Forest schools – ces écoles dans la nature – se répandent partout dans le monde, ou encore en Italie des cours d’écologie sont intégrés au cursus scolaire officiel.
Mais c’est aussi l’histoire de l’allemand Felix Finkbeiner qui, à neuf ans, fait dans sa classe un exposé sur le changement climatique, ce qui le mènera à créer l’organisation non gouvernementale Plant for the Planet, à planter 15 milliards d’arbres dans le monde et, à l’âge de treize ans, à prononcer un discours à la tribune des Nations Unies. C’est aussi l’histoire du néerlandais Boyan Slat qui, à l’âge de 17 ans, lors d’une sortie de plongée en Grèce se souvient avoir rencontré plus de plastiques que de poissons, ce qui lui donnera l’idée de créer The Ocean Cleanup, le projet le plus innovant à ce jour pour débarrasser les océans de leurs déchets plastiques. C’est enfin l’histoire de l’adolescente suédoise Greta Thunberg qui, à quinze ans, décide de faire la grève de l’école pour le climat, et qui finira par inspirer des milliers de jeunes et devenir une ambassadrice mondiale pour le climat.
Les jeunes sont ainsi de plus en plus sensibilisés aux enjeux écologiques et solidaires, ils deviennent des porte-paroles de ces causes, manifestent dans la rue, créent des entreprises sociales. Ils veulent être une part active du monde dans lequel ils veulent vivre. C’est la génération de l’espoir.
En quoi une approche optimiste et positive est-elle importante et essentielle dans l’appréhension des enjeux de transition ?
Nous n’avons pas d’autres solutions que de rester positif, il en va de notre destin en humanité. Il est de toutes façons trop tard pour être pessimiste. Comme nous le rappelle Théodore Monod « L’utopie est simplement ce qui n’a pas encore été essayé ». Le temps est donc venu de faire de nos utopies des réalités. Et je reste convaincu que le « meilleur » finit toujours par trouver son chemin. Notre conscience évolue en effet de génération en génération, il nous faut juste être patient. Car, oui, nous avons besoin de nouveaux récits pour cette Terre, qui ne soient pas seulement une litanie de guerres, de statistiques alarmantes, de faits divers déprimants, d’annonces de chaos climatiques ou de pollutions écologiques sans fin. Nous avons besoin de nouveaux récits enthousiasmants et inspirants, capables de déclencher des prises de conscience individuelles et collectives, et de nous pousser à agir. Il nous faut ainsi sortir de notre société industrielle autodestructrice et aller vers une société qui préserve la vie. C’est là notre impérative transition. Et ne serait-il pas temps de se rappeler qu’ensemble, nous sommes les gardiens de cette magnifique planète Terre ? Alors puissions-nous laisser à nos descendants un monde meilleur que celui que nous avons reçu…
Bienvenue dans un monde positif