Maisons du Monde : Made in ou Made how ?
Confinement, déforestation importée, relocalisations : comment l’épidémie du Covid19 impacte le fonctionnement de Maisons du Monde, par Fabienne Morgaut, sa directrice RSE et directrice de la Fondation Maisons du monde.
Entrepreneurs d’avenir – Comment le Covid a-t-il bousculé l’activité de Maisons du monde ?
Fabienne Morgaut – Maisons du monde a fermé tous ses magasins en Europe, comme tout le monde. L’activité commerciale s’est ralentie mais elle s’est poursuivie sur Internet. Nous avons pu déployer très rapidement le télétravail des équipes du siège, qui était déjà en réflexion avant le confinement. Nous avons mis sur pied une ligne de soutien psychologique pour les équipes. Nous avons appliqué les mêmes compensations d’activité partielle pour tous nos collaborateurs européens malgré des différences d’indemnisation selon les pays. Dans l’ensemble, les équipes ont montré une très grande solidarité. Mais nous avons dû repousser à 2021 notre événement Aux Arbres, prévu pour ce mois de juin.
Quels soutiens la Fondation Maisons du Monde a-t-elle apporté à ses partenaires associatifs, très ébranlés par le confinement ?
Effectivement, la situation des associations est très grave : leurs activités sont à l’arrêt, alors qu’elles doivent préserver leur masse salariale, mettre leurs équipes en sécurité tout en menant à bien leurs projets. Surtout elles craignent que les financements s’arrêtent ou diminuent pour leur secteur. Nous leur avons donné un coup de pouce pour surmonter la crise. Nous avons aussi aidé celles qui travaillent auprès des exclus, en meublant les lieux d’accueil pour les femmes victimes de violences conjugales avec la Fondation des Femmes. Enfin nous avons offert des kits bien-être aux soignants dans une quarantaine de CHU et d’EHPAD en France et à Madrid.
Pendant le confinement, des appels à la relocalisation de l’activité économique ont été lancés. Quelle est la position de Maisons du monde sur cette question ?
Nous réfléchissons à de nouveaux sourcings en Europe. 10 % de nos produits sont fabriqués en Europe, et nous voulons accroître ce pourcentage. Nous avons noué depuis plusieurs années des partenariats avec des fournisseurs en France. Ainsi la majorité de nos canapés en tissus sont aujourd’hui fabriqués en France. Mais ce que nous défendons, ce n’est pas tant le Made In que le Made How, comment les produits sont conçus. Notre modèle économique consiste à nouer des relations avec des fournisseurs qui possèdent un vrai savoir-faire en Inde, en Chine et ailleurs. Il n’est donc pas facile de relocaliser tout en conservant le savoir-faire et les prototypes. Par ailleurs, nos produits voyagent par la mer : les analyses de cycle de vie montrent que leur empreinte carbone est à peine plus élevée que celle d’un produit fabriqué en France.
Le Conseil économique, social et environnemental a présenté récemment un avis sur la déforestation importée, un sujet qui vise le cœur de l’activité de Maisons du monde. Comment adaptez-vous votre business model ?
Nous travaillons dessus depuis 2013, quand l’Union européenne a sorti la réglementation FLEGT sur l’importation du bois. Nous avons acquis très tôt de bons réflexes : analyse documentaire, formation des fournisseurs, traçabilité de l’origine des bois et audits aléatoires, etc. Mais nous travaillons surtout avec des essences provenant de forêts tempérées, pas de forêts tropicales. Quant au teck, il provient de plantations certifiées en Indonésie. En travaillant avec les ONG, on voit les sujets arriver, et avec une politique de RSE forte, on prend de l’avance sur la réglementation.
Les tribunes et prises de positions pour un autre modèle économique ont explosé pendant le confinement. Lesquelles vous ont le plus marqué ?
J’ai bien aimé les articles de Boris Cyrulnik sur la résilience, et ceux de Cynthia Fleury, qui avertissaient en gros que cette crise n’était rien à côté de ce qui nous attend avec le changement climatique et la perte de biodiversité, et que les entreprises doivent concilier reprise économique et responsabilité environnementale. N’oublions pas que 2020 est l’année de la biodiversité, les actions des entreprises doivent aller dans le bon sens ! Maisons du Monde y travaille depuis 10 ans et poursuit ses engagements.
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Pascal de Rauglaudre