L’ananas part à l’assaut des garde-robes

Allons-nous bientôt nous habiller de feuilles d’ananas ? C’est bien possible, grâce au Piñatex, un feutre produit à base de fibres d’ananas. Une alternative totalement écologique au cuir d’origine animale.

 

Et si l’ananas remplaçait le coton et la laine dans la fabrication de nos vêtements ? L’idée est moins saugrenue qu’elle n’en a l’air !

Après plusieurs années de recherche, Carmen Hijosa, consultante dans le design du cuir, a mis au point le Piñatex, une matière textile à base de fibres de feuilles d’ananas. Robuste et léger, il peut se plier sans se déchirer, et il se décline en plusieurs épaisseurs et coloris. Il satisfait tous les tests de résistance, d’abrasion et de respirabilité.

Bref le Piñatex présente toutes les qualités pour devenir une alternative durable au cuir animal, ce qui lui a valu les honneurs de Première vision, salon mondial des professionnels du textile et de la mode, à Paris, en septembre dernier.

« Le marché du Piñatex est en plein boom, se réjouit Mélanie Broyé-Engelkes, présidente d’Ananas Anam, l’entreprise qui le produit et le commercialise. Chaque année, la culture d’ananas produit 13 millions de tonnes de déchets végétaux. Si on les valorisait à la façon de Piñatex, elle pourrait remplacer la moitié du marché mondial du cuir, en respectant scrupuleusement les principes de l’économie circulaire ! »

Un précédent : le barong tagalog

Pourtant, l’utilisation de la fibre d’ananas comme vêtement n’est pas en soi une nouveauté. Aux Philippines, hommes et femmes portent en certaines occasions une tunique traditionnelle en feuilles d’ananas tissées à la main, le barong tagalog, qui ressemble à un lin fin et délicat.

Carmen Hijosa, qui a fondé Ananas Anam, a découvert cette matière aux Philippines il y a une dizaine d’années. Elle cherchait une solution au cuir animal, dont la production est extrêmement polluante : utilisation de solvants cancérigènes, consommation excessive d’eau, pollution des rivières… Avec leur cortège de conséquences désastreuses sur la santé des tanneurs et des riverains des tanneries.

Mesurant tout le potentiel de la feuille d’ananas, elle a élaboré un feutre résistant à partir de ses fibres, sans avoir besoin de les tisser. Puis elle l’a façonné pour lui donner un aspect qui évoque celui du cuir animal, et l’a teinté avec des pigments de couleur.

Des jupes et des sièges auto

Cette sorte de cuir végétal peut ensuite être utilisée dans la mode, pour des jupes, des vestes, des chaussures, des articles de petite maroquinerie … « Nous allons cette année explorer de nouveaux marchés : l’ameublement, le revêtement de fauteuil et de sofa, mais aussi les sièges automobiles. »

Quant aux rejets du processus de production de Piñatex, ils peuvent être réinjectés dans l’agriculture locale sous forme d’engrais ou de biogaz. « Jusqu’à présent, les feuilles d’ananas restaient en friche ou bien elles étaient brûlées après la récolte des fruits car la feuille fibreuse se décompose très mal, explique Mélanie Broyé-Engelkes. Nous achetons les plus belles feuilles aux producteurs d’ananas, ce qui constitue des revenus supplémentaires pour eux. »

Aujourd’hui, le Piñatex se vend 20 % moins cher que le cuir, ce qui le rend tout à fait compétitif. Il a d’ailleurs achevé de convaincre plus de 400 marques, de prêt-à-porter mais aussi d’ameublement et de maroquinerie, dont Lancel, Hugo Boss et H&M, qui l’ont déjà adopté.

Avec une production annuelle de 25 millions de tonnes d’ananas dans le monde, en Asie du Sud-Est, en Afrique et en Amérique centrale, le potentiel de développement de Piñatex semble quasi infini.

 

En savoir plus sur Piñatex

Pascal de Rauglaudre

 

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