Élise Anderegg, militante de la lingerie Made in France

Avec la marque qui porte son nom, la créatrice Élise Anderegg fait un pari : sauvegarder le savoir-faire français de la lingerie haut de gamme.


Pour rencontrer Élise Anderegg, il faut s’enfoncer dans la zone d’activité du Coudray, au Blanc-Mesnil, en Seine-Saint-Denis, longer des entrepôts et croiser quelques poids lourds.

Une fois dans l’atelier, le contraste avec l’extérieur est saisissant. L’atmosphère feutrée n’est troublée que par le ronronnement des machines à coudre. Sur les rails de rangement, on aperçoit un déshabillé aérien, un caraco en dentelle Chantilly ou une nuisette fluide en satin de soie.

C’est ici que depuis un an, Élise Anderegg crée et produit ses pièces de lingerie de luxe. Cette jeune créatrice d’origine suisse a fondé la marque qui porte son nom il y a une douzaine d’années. Elle avait auparavant passé cinq ans dans la maison Solstice où elle avait collaboré avec des marques prestigieuses comme Chanel, Ungaro ou Dior.

Après quelques aléas, dont deux dépôts de bilan, elle a relancé récemment sa société avec un business model renouvelé : produire ses créations à la demande de ses clientes, en leur proposant une diversité de coloris, mais toujours dans son atelier du Blanc-Mesnil.

Le prix du Made in France

Élise Anderegg poursuit un objectif avec une détermination farouche : sauvegarder la lingerie Made in France. « Des techniques comme l’incrustation de dentelle ne se font qu’en France. Si on ne les défend pas, ces savoir-faire seront perdus. »

Pour y parvenir, elle a fait le choix de proposer des créations haut de gamme, vendues à des prix élevés – « le prix de l’artisanat Made in France ». Un choix qui s’appuie sur les circuits courts de la confection : « J’ai un fournisseur de soie en Angleterre, deux ou trois fournisseurs de dentelles en France et un teinturier à Paris. Mais je n’en dirai pas plus, car ce circuit fait partie des mes secrets de fabrication. »

Conséquence : Élise Anderegg se targue de pouvoir livrer ses créations en une à quatre semaines, quand les grandes marques du secteur ont besoin de plusieurs semaines pour importer leurs productions délocalisées.

Avec un franc-parler inhabituel, elle pointe le double langage des marques françaises. « La réglementation du Made in France est floue : il suffit d’ajouter une étiquette sur des produits fabriqués en Chine ou en Tunisie pour considérer qu’ils sont Made in France. C’est une façon de mentir aux clients. »

Elle réclame plus de transparence dans l’étiquetage des produits, mais aussi un effort plus important dans la formation. Car à moyen terme, elle fait le pari du renouvellement de génération dans le secteur de la lingerie.

Un savoir-faire menacé

D’après un récent rapport de l’Institut français de la mode, 60 à 70 % des petites mains de la lingerie approchent de la retraite. Un personnel que les centres de formation ne renouvellent qu’à hauteur de 15 %. Les ateliers risquent donc de se vider de leur savoir-faire.

Or la demande pour le Made in France est plus forte. « Le décalage entre l’offre et la demande va donc mécaniquement se creuser, et d’ici là nous espérons bien avoir réussi à imposer notre marque, former du monde et défendre notre part du marché », explique Alban Vias, son chef d’atelier.

Aujourd’hui, Élise Anderegg écoule 2000 pièces par an environ, dont une grosse partie vers les Etats-Unis, l’Asie, l’Ukraine et la Russie. Pour se faire connaître, elle passe par les réseaux sociaux et les salons, comme le Salon international de la lingerie, en janvier dernier.

Parmi ses projets d’avenir, elle réfléchit à une ligne de produits destinés aux femmes rondes qui ont envie d’être sexy. Pour certains esprits grognons, ce projet risque d’abîmer son image de marque, mais c’est un risque qu’elle se sent prête à assumer, en femme libre.

Toute la lingerie Élise Anderegg

Texte Pascal de Rauglaudre

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