L’économie symbiotique, kesako ?
Y a-t-il un lien entre la permaculture, l’interopérabilité et l’open source ? Oui, répond Isabelle Delannoy dans un nouvel essai. Ces tendances s’inscrivent dans un nouveau paradigme économique : l’économie symbiotique.
Mardi 17 Octobre 2017
D’un côté, des défis écologiques, économiques et sociaux d’une ampleur inégalée menacent le fonctionnement de nos sociétés. De l’autre, des myriades de nouveaux modes de production et d’organisation économiques surgissent partout dans le monde pour apporter des solutions.
Le point commun de ces nouveaux modes : ils ont pour objet de réaligner les activités humaines avec les grands cycles de la planète, et de coupler leur productivité à la régénération des écosystèmes, piliers de l’équilibre écologique.
Lancées sans concertation, toutes ces solutions finissent par former un seul et même système économique, qui émerge de façon cohérente : l’économie symbiotique. Cette nouvelle économie fait l’objet du passionnant essai d’Isabelle Delannoy, L’économie symbiotique. Régénérer la planète, l’économie et la société.
Des écosystèmes régénérés
Dans ce livre, Isabelle Delannoy se lance dans une tentative de théorisation intégrative de ces nouveaux modèles durables émergents. Elle en décrypte le fonctionnement et identifie dans le détail les facteurs de production sur lesquels ils reposent.
Elle prend l’exemple de la production d’algoplastiques, lancée par Rémy Lucas à Saint-Malo, pour remplacer les plastiques conventionnels. Cet entrepreneur d’un nouveau genre cultive le goémon et le transforme en bioplastique, aussi dur que la bakélite. En fin de vie, les objets sont compostables et peuvent fertiliser les champs, comme du goémon traditionnel.
Pour produire ce bioplastique, Rémy Lucas restaure un écosystème menacé, en recréant des lieux de reproduction des alevins et coquillages. Les algues qu’il cultive participent à la santé des eaux côtières. Et c’est ainsi que cette nouvelle activité productive satisfait des besoins humains tout en contribuant activement à la préservation de l’environnement.
L’intelligence et l’organisation plutôt que la matière
Sceptique sur la notion de décroissance, à laquelle elle consacre plusieurs pages d’analyse, Isabelle Delannoy soutient que le problème n’est pas tant la croissance économique que son contenu. Une nouvelle croissance durable n’est possible qu’à condition de régénérer les écosystèmes et les liens sociaux, c’est-à-dire dans le cadre d’une symbiose entre l’homme et le vivant.
Toutes les logiques productives contemporaines, numériques, circulaires, écologiques et solidaires, qui reposent sur la collaboration, remplacent la matière par l’intelligence et l’organisation et favorisent la relocalisation, s’intègrent très bien à l’économie symbiotique, observe-t-elle.
Les Français sont-ils prêts pour l’économie symbiotique ? « Oui, répond sans hésitation l’auteure. Cette logique symbiotique se retrouve dans tous les territoires, car les habitants, les élus, les associations, les entrepreneurs, les administrations manifestent un vrai désir de changer de paradigme économique. Il suffit de voir le succès des circuits courts. »
Enfin, il faut souligner que les pionniers de l’économie symbiotique sont très souvent des… pionnières. Janine Benyus a lancé le concept de biomimétisme, Elisabeth Laville, le premier cabinet de développement durable en France, Utopies. Elinor Ostrom, grande théoricienne de la gouvernance des biens communs, a eu un prix Nobel. Lynn margoulins, théoricienne de la symbiose, etc. « Quand les femmes ont un pouvoir économique, elles l’utilisent pour le bien-être de leur communauté et de leur famille, rappelle l’auteure. Elles jouent donc un rôle essentiel dans l’avènement de cette nouvelle économie. »
L’économie symbiotique. Régénérer la planète, l’économie et la société
Isabelle Delannoy, Domaine du possible, Actes Sud, 352 pages, 22 €
Texte Pascal de Rauglaudre