La santé insolente du bio

Avec 20 % de croissance, le marché des produits bio affiche une santé insolente. Didier Perréol, président de l’Agence bio, décrypte les raisons de ce succès.

+20 % : c’est le taux de croissance historique du marché des produits bio au 1er semestre de l’année 2016, par rapport à l’année 2015. Le marché atteint 6,9 milliards d’euros à la fin de l’année. Chaque jour de l’année, 21 nouvelles fermes bio se sont déclarées, et la surface cultivée en bio a dépassé les 1,5 millions d’hectares, soit 5,8 % de la surface agricole utile en France. Bref, s’il y a bien un secteur qui a toutes les raisons de se réjouir, c’est celui du bio. Didier Perréol, président de l’Agence bio, remet en perspective ces excellents résultats.

Entrepreneurs d’avenir – Comment expliquer le succès du bio ?

Didier Perréol – C’est un juste retour sur investissement pour de nombreux agriculteurs et acteurs engagés depuis longtemps pour alerter les pouvoirs publics sur les dangers de l’agriculture intensive, qui nous mène dans le mur. Dans la santé, l’alimentation, l’environnement, le consommateur est de plus en plus informé, il fait des choix, réclame une bonne alimentation. Les jeunes couples qui ont des bébés veulent les nourrir avec des produits sains. Tout ce qu’ils voient dans les médias, les polluants, les pesticides, les engrais chimiques, leur fait peur. Ce succès est donc un cocktail de tout ce que je viens d’évoquer.

Quel est le profil des nouvelles fermes bio ?

Ce sont essentiellement d’anciens agriculteurs conventionnels, qui sont les premiers exposés à la toxicité des produits chimiques de synthèse. On observe des conversions en bio d’exploitations agricoles dans toutes les typologies et tous les domaines de production : polyculture, élevage, viticulture, céréaliculture…


Y a-t-il un phénomène de retour à terre de jeunes urbains ? Est-il quantifiable ?


Oui, on l’observe aussi. Mais l’accès à la terre reste très coûteux. Ceux qui veulent démarrer en maraîchage sur 1, 2 ou 3 hectares peuvent le faire, mais ça leur coûtera très cher. Il existe des solutions en fermage. Ceci dit, l’engouement pour la terre en bio est réel et très nouveau. Et alors que beaucoup d’agriculteurs en conventionnel sont en faillite, parce qu’ils ne sont pas rémunérés à leur juste prix, les exploitants en bio, qui vendent leurs produits à un prix plus juste, sont protégés.

Justement, le succès du bio peut-il entraîner une baisse des prix des produits bio ?

Ce n’est pas l’objectif. Il faut bien garder à l’esprit que l’agriculteur bio doit être payé correctement pour pouvoir conserver un maillage sur l’ensemble du territoire français. Car l’agriculteur préserve l’environnement. La France est réputée pour la richesse et la variété de ses territoires : le rôle de l’agriculteur, c’est de nourrir ses concitoyens, mais aussi d’entretenir le paysage.

Si le prix ne baisse pas, comment faire pour que les personnes à faibles revenus puissent y avoir accès ?

Songez que les ménages consacrent 15 % de leur budget à l’alimentation aujourd’hui, contre 30 % il y a 20 ans ! Nous réclamons une mesure depuis longtemps : la baisse de la TVA sur les produits alimentaires bio, voire sa suppression complète, pour faciliter leur généralisation. Et puis le prix des produits conventionnels n’inclut jamais les coûts cachés des pollutions, de l’eau, des sols, etc. Celles-ci coûtent très cher à la collectivité. Le bio, lui, n’engendre aucun coût. Baisser la TVA serait donc un signe fort envoyé au consommateur.

Comment accompagner l’essor du bio ?

C’est le consommateur qui tire la demande vers le haut. Le plus gros du travail consiste à convaincre les agriculteurs, et de ce point de vue, la progression spectaculaire que nous observons dans les lieux de vente est très incitative. Cultiver en bio demande plus d’attention et de travail : il faut donc fournir un gros effort de formation auprès des agriculteurs. C’est une des missions de l’Agence bio.


Texte Pascal de Rauglaudre

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