A la découverte du septième continent
Les expéditions emmenées par Patrick Deixonne sur les mers du monde entier tentent de préciser les impacts des déchets plastiques sur le fonctionnement des océans.
Quelque part en plein Atlantique nord se trouve un tourbillon de plastique d’une taille équivalente à deux ou trois fois la France, de près de 30 mètres de profondeur par endroits, où la densité atteint 200 000 pièces par kilomètre carré. C’est l’un des gyres repérés par l’explorateur Patrick Deixonne, qui après sa traversée de l’Atlantique à la rame, s’est lancé depuis 2013 à la découverte de ces tourbillons. Les cinq principaux se trouvent dans les océans Atlantique, Pacifique et Indien, et d’autres, de taille plus modeste, dans le golfe du Bengale ou dans les Caraïbes. Baptisés « continent » en raison de la surface qu’ils représentent, ils ont donné leur nom à l’initiative « Expédition 7ème continent », portée par l’association guyanaise Océan Scientific Logistic (OSL). « C’est important de montrer la contribution des DOM », souligne Patrick Deixonne, qui vit en Guyane. La troisième expédition vient tout juste de regagner la Martinique après quatre semaines de navigation dans l’Atlantique nord.
Ce que l’on sait déjà sur la présence de plastique dans les océans fait froid dans le dos : 80% des déchets que charrient les océans, soit 6 millions de tonnes par an, proviennent des continents, où l’on fabrique 30 fois plus d’emballages plastiques qu’il y a 30 ans, et où l’on n’en recycle qu’à peine 15%. Des milliers d’animaux (albatros, tortues de mer, etc.) meurent chaque année étouffés par l’absorption de sacs plastiques.
D’autres dangers que l’étouffement des animaux
« Je ne suis pas contre le plastique, insiste Patrick Deixonne. Il a toute sa place dans la société et sans lui, il n’y aurait peut-être plus de forêts aujourd’hui. Mais par manque de volonté politique pour développer des filières de recyclage efficaces, les déchets de plastique jetable se retrouvent dans des décharges à ciel ouvert et à la moindre tempête s’envolent vers les cours d’eau et finissent dans la mer. » Les gobelets plastiques des machines à café des entreprises, pourtant simples à remplacer par des mugs, par exemple, sont un véritables fléau…
Outre les animaux étouffés, Patrick Deixonne cherche surtout à montrer comment le plastique modifie le fonctionnement des océans. Ce n’est pas un élément inerte, mais il fixe les métaux lourds et autres polluants organiques et présente potentiellement bien d’autres dangers. « Il modifie l’éco-système des océans et transporte bactéries et virus », explique-t-il. Quel est le parcours des nanoparticules, plus petites encore que les microparticules récupérées par les expéditions 7ème continent ? Les polluants contenus dans les plastiques se transmettent-ils aux chairs des poissons, ce qui constituerait un grave problème de santé publique ? Quel rôle jouent les plastiques sur la prolifération des méduses ? Autant de questions auxquelles les scientifiques embarqués dans les expéditions (montées en partenariat avec plusieurs labos dont le CNRS), cherchent des réponses. « Mais ça prend du temps, après trois ans d’expéditions, nous n’avons pas encore les réponses. »
Des liens complexes avec le climat
Le lien très complexe entre la présence de plastique dans les océans et le rôle de ces derniers dans la régulation du climat, sera étudié dans un deuxième temps. Mais si les océans ne sont pas au programme de la conférence de la fin d’année, « on ne mettra jamais les moyens suffisants pour étudier correctement ces sujets », s’alarme Patrick Deixonne. Aujourd’hui en effet, les océans, qui représentent 70% de la surface du globe, absorbent 25% du CO2 et 90% du surplus de chaleur, semblent les grands oubliés de la COP 21, au grand dam d’associations qui s’en sont alarmées à l’occasion de la journée mondiale des océans le 8 juin dernier.
Patrick Deixonne se défend de diriger un laboratoire, mais les expéditions 7ème continent constituent bel et bien un nouveau système de recherche, moins cher, plus réactif, et surtout décloisonné. Comme le faisait Cousteau, l’explorateur embarque aussi avec lui des représentants de toutes disciplines. Lors de la dernière expédition, des comédiens sont allés jouer des pièces pour sensibiliser les enfants dans les îles.
Dès janvier prochain, Expédition 7ème continent remet le cap sur l’Atlantique sud, à la recherche d’éléments de réponse à des questions dont pourrait bien dépendre l’avenir de la planète.
7ème CONTINENT
STOP AUX OCEANS POUBELLES
DECLARATION DE PARIS 8 juin 2015
Dominique Pialot et Pascal de Rauglaudre