« Les questions de RSE doivent imprégner tout le fonctionnement de l’entreprise »

En fondant MR21, Patrick d’Humières veut sensibiliser les cadres au management de la responsabilité dès leur formation, comme il l’explique dans cette interview.

Comment faire sortir la RSE des fonctions dédiées ? Vaste challenge que Patrick d’Humières veut relever en créant MR21, une communauté de professionnels issus des entreprises et des grandes écoles, qui veut sensibiliser les cadres au management de la responsabilité dès leur formation.
Entrepreneurs d’avenir – Vous avez fondé MR21, MR pour Management Responsable. Quels sont les grands principes qui inspirent le management responsable ?
Le management de la responsabilité, c’est l’appropriation des questions de RSE par toute l’entreprise, bien au-delà des simples fonctions dédiées. Il consiste à associer à la transformation de l’entreprise les cadres qui ne sont pas directement concernés par ces questions. En juillet, nous avons organisé un colloque sur le sujet, avec de très nombreux acteurs du monde de l’entreprise. Nous avons bien senti que la prise de conscience n’est pas assez forte. Malgré la pression exercée sur la société civile par les sujets de développement durable, climat, inégalités, transparence, gouvernance, les formations des écoles de commerce et d’ingénieurs ne les intègrent pas assez.
Comment comptez-vous combler ce manque ?
La formation est une des dimensions de la solution. Au sein de MR21, nous avons donc rassemblé des acteurs qui diffusent ces questions-là dans les grandes écoles. Dans le cadre de Masterclass 21, un cycle de formation piloté par Centrale Supélec, que j’anime, nous offrons à des cadres d’entreprise des notions sur les fondamentaux de la RSE. Une autre dimension, c’est la réflexion collective à travers des organisations qui jouent un rôle de pionniers, de passeurs, comme les Entrepreneurs d’avenir, pour avoir un impact sur le fonctionnement des entreprises à tous les stades, recherche, conception des produits, production, marketing, communication, après-vente, évaluation, relation client…
Concrètement que signifie le management responsable pour un manager dans une entreprise de services comme EY ?
Les sociétés de services connaissent très bien les questions de responsabilité managériale, et elles sont des acteurs très positifs dans ce domaine car elles ont pour vocation d’apporter à leurs clients des progrès dans tous les domaines, le management, la comptabilité, la gestion économique, le droit, la fiscalité, etc. Le manager doit donc s’attacher à mettre en œuvre ces principes à tous les stades de la mission, orienter les préconisations en ce sens, faire progresser la culture sur ces questions
Avez-vous des exemples de management responsable réussi ?
L’un des meilleurs exemples, c’est celui du secteur automobile, qui évolue à grande vitesse. Il subit très fortement la pression des ressources, qui est l’aiguillon de sa transformation technologique depuis des années, il est donc très engagé dans une nouvelle donne environnementale. Mais il y en a d’autres. Nestlé et son alliance pour les jeunes, pour un recrutement plus responsable, Danone qui introduit des critères d’appréciation RSE dans ses politiques d’évaluation, Schneider qui a des baromètres de suivi de tous ses collaborateurs … Bref, même s’il reste du chemin, les grandes entreprises bouillonnent en matière de RSE !
L’État a-t-il un rôle à jouer dans la mise en œuvre des politiques de RSE ?
Le rôle de l’État, c’est d’organiser le cadre dans lequel l’acteur économique exerce son activité, autrement dit la responsabilité juridique de l’entreprise. Au-delà, il y a ce que l’entreprise doit faire par elle-même. Les pouvoirs locaux, bien souvent, sont très incitatifs et soutiennent activement les entreprises. Mais l’État, lui, ne doit pas se mêler d’une démarche volontaire par essence.
Mais comment peut-il inciter les entreprises à suivre des politiques de RSE ?
Le problème aujourd’hui, c’est que les entreprises qui contribuent plus à la société ne sont pas récompensées : la fiscalité est identique quelle que soit l’utilité sociale des entreprises. L’impôt sur les sociétés pourrait être modulable avec bonus malus. Cette fiscalité incitative n’est pas une idée nouvelle, les assurances sur la sécurité au travail ou les éco-organismes et la gestion des déchets en sont des exemples. Selon Jean Tirole, le prix Nobel de l’économie, il faut le faire sur l’emploi aujourd’hui.

Texte Pascal de Rauglaudre

 

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