« Un accord climatique ambitieux doit s’inspirer des principes économiques »

Pour Christian de Perthuis, économiste spécialiste du climat à l’Université Paris Dauphine et auteur du livre Le Climat à quel prix ? (avec Raphaël Trotignon), la COP21 sera réussie si elle inclut une tarification internationale du carbone dans l’accord final qui sera signé à Paris en décembre. Dans une interview, il esquisse les pistes possibles pour mettre en place cette solution, la meilleure, selon lui, pour crédibiliser les engagements pris par les États.


Pour Christian de Perthuis, économiste spécialiste du climat à l’Université Paris Dauphine et auteur du livre Le Climat à quel prix ? (avec Raphaël Trotignon), la COP21 sera réussie si elle inclut une tarification internationale du carbone dans l’accord final qui sera signé à Paris en décembre. Dans une interview, il esquisse les pistes possibles pour mettre en place cette solution, la meilleure, selon lui, pour crédibiliser les engagements pris par les États.

Entrepreneurs d’avenir – Au mois de juin, vous avez lancé un appel avec d’autres économistes pour un accord climatique ambitieux. Diriez-vous qu’il a été entendu ?

Christian de Perthuis – Dans cet appel, les 200 signataires, qui sont des économistes avec une grande diversité d’approche, indiquent que les principes économiques de base (tarification internationale du carbone, équité face à l’injustice climatique, lutte contre les « passagers clandestins ») doivent inspirer un accord climatique ambitieux. Les gouvernements ne doivent pas seulement s’engager sur des objectifs, mais aussi sur des moyens communs, à commencer par un prix du carbone à l’international. Aujourd’hui cette idée est revenue sur le devant de la scène. C’est positif.

Concrètement à quoi ressemblerait cette tarification du carbone ?

Il existe plusieurs méthodes pour y parvenir. La première, expérimentée dans le cadre du Protocole de Kyoto, consiste à accorder des droits aux pays et à les rendre cessibles entre eux. Elle n’a pas fonctionné et n’est plus à l’ordre du jour. Selon la deuxième, qui a la faveur d’économistes américains, les pays s’accorderaient progressivement sur des taxes carbones domestiques. Personnellement, je pense qu’une bonne méthode serait d’introduire un bonus-malus carbone international, basé sur le niveau moyen des émissions par tête. La troisième voie possible, qui pourrait se coupler avec un bonus-malus carbone, consiste à unifier les marchés de permis existant déjà dans un certain nombre de grands pays : Chine, Corée, Etats-Unis, Canada, Union européenne… Aujourd’hui ces marchés fonctionnent avec des règlementations différentes et non compatibles. En les reliant entre eux, on crée un marché transcontinental du carbone, entre l’Europe, l’Amérique du Nord et la Chine.

Quelles institutions multilatérales pourraient gérer ce marché ?

C’est une question cruciale. L’UNFCCC, la Convention climat de 1992, n’est pas adaptée pour gérer les instruments économiques et financiers. Il faut trouver une gouvernance adossée aux institutions multilatérales économiques et financières, comme le FMI, ou la Banque mondiale. Gérer les liens entre la zone qui a un prix du carbone, et celle qui n’en a pas, peut être fait dans le cadre de l’OMC.

On se focalise beaucoup sur la COP21. Mais la lutte contre le changement climatique dépend-elle seulement des États ?

Certainement pas ! D’autres acteurs ont un rôle à jouer : entreprises, collectivités territoriales, société civile, etc. Mais le changement climatique est très différent de problèmes tels que la pollution locale de l’air avec le diesel, par exemple : si les véhicules diesel s’arrêtent de circuler dans une ville, les nuisances environnementales sont diminuées et ce que font les voisins n’importe pas. L’atteinte au système climatique, elle, est globale : ce qu’on fait dans un pays peut être annulé si on ne le fait pas ailleurs. La coopération entre les États est donc nécessaire pour éviter que les efforts des uns soient annulés par la négligence des autres. Les États doivent créer un système d’incitations favorables pour que tous ces acteurs réduisent leurs émissions.

À quelles conditions considèrerez-vous que la COP21 sera un succès ?

Nous tentons de répondre à cette question dans la conclusion de mon livre, Le climat : à quel prix ? La COP21 ne pourra pas être jugée sur l’addition des contributions volontaires des États et des autres acteurs, parce qu’il n’y a pas de système commun de mesure de ces contributions. Deux critères sont à retenir. L’un sera l’établissement d’un reporting universel et régulier des efforts fournis pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). Aujourd’hui, seul un petit nombre de pays accepte ce système de mesure placé sous l’égide des Nations-Unies. L’autre critère sera la mise en place d’instruments économiques et financiers qui changent la donne au niveau international, comme l’élargissement progressif de la tarification du carbone et la mise en place d’un système de bonus-malus pour diriger des ressources vers les pays moins avancés.


Êtes-vous optimiste ou pessimiste sur la capacité de l’humanité à affronter le changement climatique ?

Nous n’avons pas le choix ! La question porte plutôt sur notre niveau de préparation. Le changement climatique est un phénomène cumulatif, qui s’amplifie à mesure que les actions efficaces sont retardées. Soit nous réduisons de façon préventive nos émissions de GES, soit nous devrons nous adapter aux conséquences du réchauffement. Dans tous les cas, nous sommes obligés d’agir. Mais nous avons tout intérêt à lancer rapidement une action concertée de réduction des émissions de GES. Si nous ne nous occupons pas du climat, c’est lui qui s’occupera de nous !

Christian de Perthuis interviendra lors du Parlement des Entrepreneurs d’avenir le vendredi 4 décembre 2015 à l’Unesco.

Texte Pascal de Rauglaudre

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