Le nouveau Terra Eco mise sur le mécénat

Après le succès de l’expérience « Sauvez Terra », le magazine qui entend « résister, partager et inventer » sur l’écologie veut développer l’appel aux mécènes.


Le rédacteur en chef d’un des quotidiens les plus respectés au monde, le britannique The Guardian, regrette publiquement à l’heure de la retraite de ne pas avoir traité l’information environnementale à la hauteur de son impact sociétal et s’engage fortement auprès d’une ONG dans la lutte contre les énergies fossiles. Ce reproche, on ne saurait le faire à Walter Bouvais, co-fondateur et dirigeant de Terra Eco, qui salue là un geste « professionnellement courageux ». Depuis ses débuts, le magazine qu’il a co-fondé poursuit un rôle de défricheur et d’alerte, avec pour mission d’informer en montrant les limites du modèle de civilisation hérité de l’après-guerre et, autant que possible, ce qui peut faire émerger des solutions alternatives.

Faire le lien entre les réfugiés et le changement climatique

Si Terra Eco a dû en septembre dernier lancer son appel « Sauvez Terra », c’est qu’il appartient à une famille de presse qui souffre tout particulièrement. En plus des difficultés communes à toute la presse, elle connaît « un phénomène de montagnes russes propre à une information qui traite toujours tout par l’excès, dans une forme d’hystérie permanente. » Après la vague porteuse qui a suivi le Grenelle de l’Environnement, elle a subi des vents contraires après la conférence de Copenhague. « Aujourd’hui où l’on assiste à un regain d’intérêt, nous espérons profiter du climat propice lié à la Cop21 pour aller dans le dur et éviter de rester à la surface », confie Walter Bouvais. Une mission d’autant plus essentielle que « la presse généraliste n’établit pas de mise en cohérence globale, qui pourrait, par exemple, mettre davantage en résonnance la questions des réfugiés à nos portes et celle du changement climatique. Si les abords du Lac Tchad deviennent impossibles à cultiver, cela créé un exode d’abord Sud/Sud, puis potentiellement Sud/Nord. »
«

L’aventure éditoriale de Terra Eco est fondée sur une vision des limites physiques de notre modèle et de la nécessité de réinventer quelque chose » rappelle-t-il. Or, sur le marché dans lequel évolue l’entreprise qui porte ce projet, marché d’offre et de demande, il s’avère que les lecteurs (quelque 20 000 après l’opération « Sauvez Terra ») ne sont pas encore suffisamment nombreux au rendez-vous.

« Le lecteur étant depuis le début au centre du modèle, nous voulons maintenir l’exigence éditoriale qui nous permet d’honorer le contrat de lecture », explique Walter Bouvais. Autrement dit, pas question de réduire les dépenses, et pas d’autre issue que de développer les revenus, en augmentant les abonnements et en diversifiant les ressources. Grâce à « Sauvez Terra », le magazine a récolté 105 000 euros via une campagne de crowdfunding de 24 jours et engrangé 3000 abonnés supplémentaires. Le tour de table, dont l’objectif est fixé à 350 000 euros, est encore en cours.

La presse écologique, un quasi-service public

Mais c’est aussi sur le mécénat, que Terra Eco pratique déjà et qui pèse aujourd’hui 5 à 6% de ses revenus, que Walter Bouvais mise pour les prochaines années, en le multipliant par deux, voire trois. « Le cadre légal et fiscal favorable au mécénat qui existe depuis quelques années vient encore d’être amélioré avec « l’amendement Charb » (du nom du rédacteur en chef de Charlie Hebdo assassiné en janvier dernier, qui en avait fait la demande, ndlr). Désormais un individu peut entrer au capital d’une entreprise de presse. Mais au-delà de la défiscalisation, c’est d’abord le soutien et l’engagement aux côtés d’un magazine lui-même engagé qui sert de moteur. « En faisant émerger ces problématiques autour des limites de notre système et des solutions, nous rendons un quasi-service public, difficile à mesurer et impossible à monétiser directement pour nous » détaille Walter Bouvais.

Dans cette période où des événements tragiques sont venus rappeler en quoi le pluralisme de la presse était constitutif de la démocratie, « Le mécénat est raccord avec l’époque, avec les sujets que nous traitons, avec le métier d’un éditeur, et notre discours reçoit d’ailleurs un excellent accueil » souligne-t-il. Les media qui ne font pas dans le buzz mais travaillent dans la durée ont besoin d’un relais pour que leurs sujets soient portés dans l’espace médiatique. Encore « au début de l’histoire » dans son travail avec la grande philanthropie (dont les fondations françaises et étrangères), Terra Eco envisage aussi d’autres opérations de crowdfunding.

La nouvelle formule post-sauvetage réaffirme la devise « Résister, partager, inventer », elle est de plus en plus ouverte à des contributions extérieures et, devant des enjeux plus pressants, adopte un ton plus incisif « pour affirmer encore plus fort ce pour quoi nous sommes là. »

SAUVEZ TERRA ECO

Dominique Pialot et Pascal de Rauglaudre




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