Marchés publics et clauses d’insertion : entre directives européennes et législations nationales

Les marchés publics représentent entre 15 et 17% du PIB de l'Europe. Utiliser la puissance de la commande publique pour amener vers l'emploi les travailleurs fragiles: l'idée est séduisante. Un certain nombre de pays ont ainsi mis en place depuis quelques années des clauses d'insertion dans leurs appels d'offre publics.

Les marchés publics représentent entre 15 et 17% du PIB de l’Europe. Utiliser la puissance de la commande publique pour amener vers l’emploi les travailleurs fragiles : l’idée est séduisante. Un certain nombre de pays ont ainsi mis en place depuis quelques années des clauses d’insertion dans leurs appels d’offre publics. Mais, favoriser des entreprises socialement responsables peut se heurter aux principes européens de concurrence et d’équité. Comment mettre alors en oeuvre une politique sociale par l’attribution de marchés publics, tout en respectant le droit européen ?

Pour les marchés publics qui se situent en dessous des seuils communautaires(1), pas de problème : ce sont les législations nationales, à travers les Codes des marchés publics, qui s’appliquent. Au dessus de ces seuils, les directives européennes doivent être mises en oeuvre, avec des règles strictes stipulant que les critères de sélection des entreprises et d’attribution du marché soient uniquement d’ordre économique, technique et/ou de capacité financière. Des clauses juridiques qui soulèvent en fait une vraie réflexion politique : comment définir « l’offre économiquement la plus avantageuse » ? Par exemple, un processus de production respectueux du droit des travailleurs est-il in fine plus ou moins onéreux qu’un autre pour la société ?

De fait, le croisement des directives européennes avec les législations nationales peut poser problème. Exemple : en 1991, l’Italie avait voté une loi prévoyant que des marchés publics soient réservés aux coopératives sociales. “Cette disposition a été critiquée par la Commission Européenne comme ne respectant pas le principe d’égalité de traitement”, écrit la chercheuse Ann Lawrence Durviaux, spécialiste du sujet.”La loi a été révisée pour prévoir cette réservation sous les seuils européens d’application des directives, et la réservation a aussi été ouverte aux entreprises de l’UE équivalentes aux coopératives sociales italiennes”, poursuit-elle.

Depuis 2004, les directives européennes facilitent l’intégration des considérations sociales dans les procédures de passation des marchés publics. Ainsi, si une entreprise ne respecte pas certaines obligations sociales, elle peut être exclue de la procédure de sélection. Peut-on pour autant aller jusqu’à favoriser une entreprise socialement responsable dans l’attribution du marché? Les juristes sont divisés. Il faut dans tous les cas que les décisionnaires aient le choix entre plusieurs offres économiquement équivalentes.

En réalité, c’est principalement au stade de l’exécution d’un marché public que des clauses sociales peuvent être imposées. Dans le cahier des charges, les pouvoirs publics peuvent demander aux entreprises candidates de s’engager à réaliser des actions en faveur des travailleurs les plus fragiles. C’est ce que fait la Belgique. En Wallonie, une “clause jeunes”, et une “clause Forem(2) ont été mises en place dès 1996. Dans le cahier des charges de ces marchés, les entreprises candidates s’engagent à offrir une formation de 3 mois pour les chômeurs ou les jeunes lors de l’exécution du marché.

Ce processus croisé de réformes normatives, conduites tant aux échelons européen que nationaux, témoigne bien d’une volonté commune d’utiliser l’instrument « marché public » en faveur du développement durable.

Pour en savoir plus

Le site de la Commission Européenne sur la législation des marchés publics

Le site de la Direction interdépartementale de la Cohésion sociale de la Wallonie sur les clauses sociales

Le site d’un spécialiste universitaire, Patrick Loquet

Un article de la chercheuse Ann Lawrence Durviaux

(1) Ces seuils s’échelonnent de 125 000 à 193 000 euros pour les marchés des fournitures et services ; pour les marchés de travaux, ils s’établissent à 4 845 000

(2) Le FOREM est le service public wallon de l’emploi et de la formation professionnelle.

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